Adam Tooze : « L’Europe est verrouillée désormais »

Paru en août aux Etats-Unis, Crashed, le nouveau livre de l’historien Adam Tooze était très attendu en France en cet automne 2018 : dix ans après la faillite de Lehman Brothers et le début d’une crise financière qui a ébranlé le monde, il propose une mise en récit précise et très documentée de la crise. Sont passés au crible les prémices du choc de 2008, notamment la longue tendance de dérégulation financière entamée dans les années 1970, mais aussi le marasme qu’a traversé la zone euro, l’épisode grec ou l’élection de Donald Trump. Spécialiste de l’histoire européenne, Adam Tooze s’est fait connaître en 2001 par Statistics and the German State, 1900-1945 : The Making of Modern Economic Knowledge, suivi par deux livres traduits aux Belles Lettres : Le Salaire de la destruction : Formation et ruine de l’économie nazie et Le Déluge : 1916-1931: Un nouvel ordre mondial. On retrouve dans Crashed une analyse dense ainsi qu’une incroyable acuité critique qui avait fait le succès des livres précédents. Enseignant à Cambridge et à Yale, Adam Tooze a rejoint Columbia en 2015. Aujourd’hui directeur de l’Institut européen de Columbia, il a ainsi pu s’entretenir, pour préparer Crashed, avec de nombreux protagonistes, décideurs et analystes qui étaient au premières loges lors de la crise. Cette source éminente est complétée par un ample jeu de données notamment issues de la Banque des règlements internationaux. BT
Dans quel contexte et dans quel état d’esprit avez-vous, comme historien, entrepris la rédaction de Crashed, votre livre sur la crise de 2008 ?
Quand j’ai entamé l’écriture de Crashed, il y avait un débat qui traversait tout le spectre politique où l’on se disputait sur la nature profonde de la crise de 2008 et sur la signification de la « mondialisation ». Je souhaitais intervenir dans ce débat, parler de la crise de la zone euro, montrer son lien avec la crise américaine et préciser l’ampleur du phénomène de la mondialisation, mal apprécié et mal compris alors.