Alexis Spire : « Voir les gilets jaunes comme des citoyens mobilisés contre l’écologie serait une erreur. »

Des citoyens qui se sont eux-mêmes baptisés les « gilets jaunes » et se sont coordonnés principalement via les réseaux sociaux, hors de toute organisation syndicale ou politique, appellent ce samedi 17 novembre à une « mobilisation générale », qui devrait prendre la forme de blocages de routes et de ronds-points, en signe de protestation contre la hausse de la taxe sur le prix des carburants et, plus généralement, contre les impôts qui affectent leur pouvoir d’achat. Comment analyser ce mouvement antifiscal inédit ? Dans quelle mesure peut-on comparer ces « gilets jaunes » aux « bonnets rouges » qui manifestaient, entre autre, contre l’écotaxe ? Le sociologue Alexis Spire, directeur de recherche au CNRS, a récemment mené l’enquête sur cet épisode précédent de 2013, et plus largement sur la montée en puissance de la contestation de l’impôt en France. Il en a tiré un livre passionnant, Résistances à l’impôt, attachement à l’État, qui souligne à quel point la résistance politique à l’impôt ne se traduit aucunement par de l’incivisme fiscal et combien cette grogne n’implique pas la remise en question des services publics et de la protection sociale, au contraire. SB
Comment analysez-vous ce mouvement des gilets jaunes qui s’annonce ?
Ce mouvement reste pour le moment difficile à appréhender. On peut d’ailleurs être surpris par l’engouement médiatique dont il fait l’objet alors même qu’il n’a pas encore eu lieu… De très nombreux articles, reportages ont déjà été publiés à propos d’un mouvement qui demeure, pour l’instant, en grande partie virtuel. Si l’on ajoute à cela que ce mouvement ne s’est pas fixé pour objectif une traditionnelle grande manifestation mais le blocage de routes et de ronds-points, et qu’il suffit d’être parfois deux, trois ou quatre pour bloquer une route, il sera très difficile d’avoir une idée précise du nombre de personnes qui seront effectivement mobilisées. Cela étant dit, il semble clair que cette mobilisation suscite dans l’opinion un mouvem