Mireille Delmas-Marty : « 70 ans après la Déclaration universelle des droits de l’homme, ce qui manque c’est le mode d’emploi »
Professeure de droit et chercheuse Mireille Delmas-Marty a longtemps occupé la chaire « Études juridiques comparatives et internationalisation du droit » au Collège de France. Pour AOC, elle a accepté à l’occasion du 70e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme de revenir sur ce texte fondateur et de le confronter à de grands enjeux actuels comme l’environnement ou les migrations. Loin des discours désespérés sur l’état du monde, Mireille Delmas-Marty veut croire à une humanisation progressive, et à la possibilité de faire prévaloir encore aujourd’hui les droits humains. Sans irénisme aucun, puisque il s’agit de s’emparer des instruments et des techniques juridiques développés depuis 70 ans pour répondre au grand défi contemporain : articuler l’universel et le pluriel, le commun et le particulier. RB
Ce 10 décembre on célèbrera les 70 ans de la Déclaration universelle des droits de l’homme qui a posé les grands principes du droit international. Sous quels auspices fête-t-on cet anniversaire ?
Il faut rappeler qu’en elle-même, la déclaration n’est pas contraignante pour les États qui l’ont signée. Le bilan, 70 ans plus tard, varie selon la vision que l’on a de cette déclaration. Si l’on a tendance à la considérer comme un concept fondateur, c’est-à-dire un ensemble de principes stables qu’il s’agit de faire respecter dans le monde entier, alors on peut penser que la Déclaration universelle des droits de l’homme est un échec puisque pratiquement aucun des principes n’est totalement respecté. A commencer par l’article 1 : « Les hommes naissent libres et égaux en dignité et en droits ». Ce principe de l’égale dignité de tous les êtres humains est souvent bafoué qu’il s’agisse des victimes de crimes graves ou de criminels traités de façon dégradante, des personnes en situation d’extrême pauvreté, ou des « migrants forcés », contraints par la peur ou par la misère de quitter leur pays … Mais cette approche statique ne permet pas de