Jean-Marc Ayrault : « Si nous avions procédé à un big bang fiscal nous n’en serions pas là aujourd’hui »
Depuis les premiers jours du mouvement des Gilets Jaunes et la montée en puissance d’un fort sentiment d’injustice fiscale, quiconque a suivi la vie politique française ces dernières années ne peut manquer de s’interroger : la colère qui trouve à s’exprimer de manière inédite sur les ronds-points aurait-elle vu le jour si la gauche au pouvoir avait mené à bien la grande réforme fiscale qui figurait parmi les engagements de campagne de François Hollande ? Pour tenter de répondre à cette question sans doute convenait-il de se tourner d’abord vers celui qui, en vain, n’aura eu de cesse d’inscrire à l’ordre du jour ce « big bang fiscal » : Jean-Marc Ayrault, premier Premier ministre du quinquennat Hollande. Retour analytique sur ce qu’on peut sans exagération qualifier de terrible gâchis. SB

Quel regard portez-vous sur les Gilets Jaunes ? Comment analysez-vous ce mouvement ?
D’abord comme un mouvement qui émerge de façon autonome, en dehors des organisations politiques et syndicales – même si l’on peut toujours s’interroger sur telle ou telle tentative de manipulation. Il exprime une colère, liée à la hausse des prix du carburant, symbole de l’augmentation des taxes au nom de l’écologie. On assiste alors à l’expression d’un ras-le-bol qui correspond à une réalité vécue. Sur les ronds-points, il n’y a pas que des chômeurs et des gens qui touchent les minimas sociaux, mais beaucoup de travailleurs qui ont des petits revenus et qui ont du mal à joindre les deux bouts, à cause de ce qu’on appelle la dépense contrainte : le logement, les transports, le chauffage, les assurances, etc. Il suffit de peu de choses pour contraindre les budgets, pour que la situation explose et produise une rupture. Même s’il y a des contradictions dans le mouvement, une désorganisation évidente et parfois voulue, c’est aussi le retour à la politique de personnes qui en étaient éloignées, sans passer par des organisations. C’est un mouvement qui se politise, mais au bon sens du terme, même si c