Wendy Brown : « Le néolibéralisme sape la démocratie »
Dans un livre événement Défaire le dèmos (paru aux éditions Amsterdam) Wendy Brown, qui enseigne les sciences politiques à Berkeley, montre comment la rationalité néolibérale ne se réduit pas à une doctrine ou à une politique économique mais qu’elle menace les fondements même du projet démocratique en le reformulant en termes économiques. Là où les critiques du néolibéralisme se contentent souvent de dénoncer un régime d’inégalités exacerbées, la privatisation des biens publics qui interdit un accès partagé et équitable aux services publics, la soumission des politiques publiques à la versatilité des marchés financiers, la philosophe offre une critique dévastatrice de la façon dont le néolibéralisme a évidé la démocratie. Elle démasque la manière dont le prétendu déblocage des sociétés opéré par les néolibéraux partout dans le monde s’effectue sous les modalités concrètes d’un verrouillage brutal des droits fondamentaux. Brown démontre en particulier comment le néolibéralisme reformule les ingrédients de la démocratie : la jurisprudence, la gouvernance, la culture politique, les pratiques de citoyenneté, les formes du leadership, le vocabulaire et l’imaginaire démocratique, les récentes transformations du droit et du secteur éducatif. Défaire le dèmos n’est pas seulement une analyse brillante des métamorphoses du néolibéralisme à l’ère de Trump, il fournit une base solide à la réinvention de nouvelles formes démocratiques.
Dans votre livre Défaire le dèmos, vous défendez l’idée selon laquelle le néolibéralisme mine la démocratie et la corrompt en profondeur. Comment peut-on parler de néolibéralisme ? N’y a-t-il qu’un seul néolibéralisme ? N’est-ce pas aussi réducteur que de parler du « marxisme » alors que l’histoire a montré que la pensée de Marx a donné naissance à plusieurs marxismes selon les contextes historiques et nationaux, qu’elle a inspiré des réformes sociales-démocrates très différentes en Allemagne, en France, en Autriche, en Russie, etc. ; des marxism