David Dufresne : « On assiste à une « benallisation » du maintien de l’ordre »
Journaliste et documentariste, David Dufresne a commencé début décembre à signaler sur Twitter, à l’attention du ministère de l’Intérieur, tous les cas de violences policières dont il prenait connaissance à la faveur du mouvement des « gilets jaunes ». Plus d’un mois après, ce sont 255 dossiers qu’il a « ouverts », après vérification et recoupements de rigueur. Longtemps journaliste à Libération, puis à I-télé avant de participer à la création de Mediapart puis de devenir indépendant pour écrire des livres et de réaliser des films, David Dufresne connaît bien la question du maintien de l’ordre, sujet sur lequel il a publié un ouvrage d’enquête dès 2007. Dans cet entretien, il décrit la situation inédite qui prévaut depuis mi-novembre en France, les nombres faramineux d’interpellations, de gardes à vue mais surtout de blessures et de mutilations. Des actes graves, contraires à la doctrine du maintien de l’ordre, dont les médias peinent à véritablement rendre compte. SB

Comment est né ce qui est devenu un travail journalistique quotidien dont le support de publication est Twitter et qui consiste à relever au jour le jour les violences policières commises à l’occasion du mouvement des « gilets jaunes » ?
J’ai commencé début décembre, après l’acte 2, au moment où j’ai vu apparaître des vidéos ou des photos très éprouvantes de mutilations. Parce que c’est bien de cela qu’il s’agit. D’un fait nouveau : en France désormais, des gens perdent un œil parce qu’ils viennent manifester le samedi, ou une main, ou l’ouïe. Constatant que ces documents publiés sur Twitter n’étaient pas relayés, j’ai entrepris de les répertorier et de les tweeter à mon tour. Au début par bravade, d’où la formule, que j’ai gardée par la suite : « Allo place Beauvau, c’est pour un signalement…». Je me suis adressé directement au ministère de l’Intérieur car je sais combien le maintien de l’ordre est une activité très politique, et que ce n’est pas seulement au tireur mais aussi à celui qui l’arme, cel