Anthropologie

James C. Scott : « Beaucoup de gens sont anarchistes sans le savoir »

Journaliste

Des dix millénaires qui ont précédé notre ère, on retient l’apparition de l’agriculture, de l’élevage et la création des premiers États qui ont donné naissance aux premières civilisations. Ce récit canonique est enseigné de l’école à l’université sans jamais être remis en cause. C’est pourtant un tout autre récit de l’histoire de la domestication et de la domination que propose l’anthropologue et politiste James C. Scott dans Homo Domesticus : une histoire profonde des premiers États .

James C. Scott est professeur émérite de science politique et d’anthropologie à l’université de Yale, aux États-Unis. Il nous répond depuis sa ferme du Connecticut, où il vient de s’occuper de ses vaches, des Scottish Highlands. Une façon de maintenir un lien avec son sujet d’étude depuis des décennies, les sociétés paysannes et les différentes formes de résistance à l’État qu’elles ont pu mettre en œuvre. L’anthropologue et politiste y a consacré de nombreux livres, dont quatre ont été traduits en français : La Domination et les arts de la résistance (Amsterdam, 2009), Zomia ou l’art de ne pas être gouverné (Seuil, 2013), Petit Éloge de l’anarchisme (Lux, 2013) et le dernier Homo Domesticus : Une histoire profonde des premiers États publié en début d’année aux éditions La Découverte. James C. Scott y remet en cause le récit canonique qui fait de la domestication des plantes et des animaux le fondement de la civilisation, dont la forme la plus aboutie serait l’État. Il inverse la proposition en s’interrogeant d’une manière faussement naïve, et si ce n’était pas l’homme qui avait domestiqué veaux, vaches et cochons, mais l’inverse ? Dans cette perspective anarchiste, c’est l’homme qui devient une espèce domestiquée par l’État. RB

On vous présente souvent comme un anthropologue anarchiste, comme votre compatriote David Graeber, mais votre premier domaine de recherche c’est la science politique. Pouvez-vous nous parler de votre parcours et nous dire comment vous avez glissé vers l’anthropologie ?
C’est vrai que quelqu’un qui ne connaitrait pas mon parcours, et qui lirait mes livres aujourd’hui, pourrait penser que je suis anthropologue. En réalité, j’ai fait des études de science politique, jusqu’au doctorat que j’ai obtenu à l’université de Yale… C’est en fait par opportunité et à travers la pratique que mes recherches ont pris une dimension anthropologique. J’ai commencé à enseigner l’histoire et la politique de l’Asie du Sud-Est, la zone géographique dans laquelle


Raphaël Bourgois

Journaliste