Design

John Maeda : « Les bons designers ne suffisent pas, il faut des environnements compétitifs »

Journaliste

Artiste, enseignant et chercheur, John Maeda est avant tout un designer total et l’un des meilleurs observateurs, depuis le MIT puis la Silicon Valley, de la la grande mutation numérique qui bouleverse notre monde. Invitant à aiguiser notre esprit critique, il en appelle à l’intelligence collective des artistes, des chercheurs, des journalistes et, plus largement, des citoyens pour faire contrepoids aux logiques biaisées et irrationnelles des intelligences artificielles.

Longtemps enseignant-chercheur-artiste au MIT à Boston, puis directeur de la tout aussi prestigieuse Rhode Island School of Design à Providence, John Maeda a décidé il y a une dizaine d’années qu’il n’était plus en mesure d’enseigner dans un monde qui changeait désormais trop vite. Il passe depuis lors son temps à tenter de comprendre cette grande mutation numérique, à l’affût des signaux faibles, dispensant ses conseils stratégiques à certaines entreprises de la Silicon Valley où il s’était installé, notamment Automattic (propriétaire de WordPress) ou Sonos. Auteur de livres séminaux sur le design mais aussi d’expositions mémorables (à commencer par celle de la Fondation Cartier en 2005), Maeda est cette année l’invité de la Biennale du design de Saint-Etienne. SB

Quand vous prenez part à une exposition, comme actuellement la Biennale de Saint-Etienne, le faites-vous comme artiste ou considérez-vous, quoi que vous fassiez – exposer, conseiller, enseigner, écrire…– que vous êtes toujours la même chose : un designer ?
Je n’enseigne plus. J’ai mis fin à ma participation à ce monde en 2008, il y a plus de dix ans déjà. J’ai arrêté d’enseigner tout simplement parce que j’avais le sentiment de ne plus rien avoir à enseigner. Le monde avait tellement changé… Surtout dans le domaine des technologies où c’est à la vitesse de la lumière. J’ai donc abandonné le monde académique pour m’intéresser à celui des start ups, de ce qu’on appelle le venture capital, et aussi des grandes sociétés du numérique. Mais l’idée que je suis un artiste vit encore très intensément en moi, je pense. Cette capacité qu’ont les artistes à poser des questions. Le fait d’être parfaitement à l’aise face aux énigmes. Cette manière d’être curieux de la façon dont les choses fonctionnent sans que cela implique la résolution de quoi que ce soit. Le fait d’entretenir l’ambiguïté, d’apprécier les paradoxes sans ressentir l’injonction de devoir les résoudre. Je suis très à l’aise avec tout cela. Et c’e


Sylvain Bourmeau

Journaliste, directeur d'AOC