Éric Baudelaire : « Il n’y a pas un monde de l’art, il y en a plein »
À 46 ans, Éric Baudelaire a déjà connu plusieurs vies. Chercheur en science politique à Harvard, proto start-uper à New York, photographe reporter en Abkhazie, photographe plasticien là-bas et ailleurs, puis artiste. Artiste plutôt que réalisateur sans doute même si le cinéma est peu à peu devenu son medium de prédilection, un cinéma d’essai et de pensée, un cinéma dans la lignée de Marker ou Godard mais contemporain. Il y avait donc quelque chose de paradoxal à voir cette semaine le jury du prix Marcel Duchamp, connu et critiqué parfois pour être le prix des collectionneurs, lui décerner sa distinction annuelle. L’occasion en tout cas d’une exploration de son monde de l’art. SB
La première fois que nous nous sommes rencontrés, en 1999, tu étais un pionnier du web, tu avais fondé à New York ce qu’on n’appelait pas encore une start-up et aujourd’hui, vingt ans plus tard, tu reçois le prix Marcel Duchamp, soit l’une des récompenses prestigieuses de l’art contemporain. Qu’est-ce qui s’est passé ?
J’ai un arrière-grand-oncle qui a pris sa retraite à 65 ans, s’est inscrit à la fac pour étudier la psycho avant de mener ensuite, pendant trente ans, une carrière de psychanalyste. Il est mort alors qu’il exerçait toujours à 95 ou 97 ans… Je viens d’une famille où l’on se réinvente souvent. Ma mère aussi s’est réinventée tous les quatre ou cinq ans, elle est retournée à la fac à 60 ans pour apprendre un autre métier… Je n’ai jamais eu de plan de carrière tout tracé. En fait, j’ai toujours été intéressé par le monde, toujours cherché à la fois un moyen de gagner ma croûte et de vivre des expériences qui me permettent d’être en contact avec le monde. J’ai donc essayé plein de choses. Ma toute première idée, au lycée, c’était d’étudier la science politique, parce que j’avais le sentiment que c’était comme ça que je pouvais comprendre les mécanismes sociaux du monde. J’ai alors quitté la France pour les États-Unis où les études sont très ouvertes. C’est un pays dans lequel on peu