Economie

Katharina Pistor : « Les inégalités découlent des privilèges juridiques des détenteurs de capitaux »

Journaliste

« Comment le droit créé la richesse et les inégalités » : c’est le sous-titre d’un livre majeur que vient de faire paraître la juriste Katharina Pistor, un ouvrage dans lequel elle démontre comment un codage juridique, comme on parle de codage informatique, a rendu possible l’invention et le développement à l’échelle mondiale des marchés financiers – et comment ils ont pu s’effondrer en 2008.

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Ce sont surtout les économistes qui ont été sommés d’expliquer la crise de 2008. Et si certains des travaux qu’ils ont produit pour comprendre ce qui s’était passé se sont révélés intéressants, ils n’en sont pas moins très insuffisants. La contribution des sociologues ou des historiens s’avère aussi décisive. Mais celle, autrement plus rare, des juristes tout autant. C’est en juriste, que Katharina Pistor, professeure à Columbia University, s’est très tôt penchée sur cette crise afin de tenter une théorisation juridique de la finance. On lui doit un article majeur à ce sujet publié dès 2013 dans le Journal of Comparative Economics et, surtout, cette année un livre qui fera date (et devrait absolument être traduit en français) The Code of capital, dans lequel elle montre comment le droit a rendu possible historiquement l’invention et le développement des marchés financiers à l’échelle de la planète. SB

Comment en êtes-vous venue à considérer le capital comme un code ?
Cela a commencé avec la crise financière mondiale de 2008. Une crise qui a souligné combien nous manquions du cadre théorique adéquat pour analyser le système financier qui venait de s’effondrer sous nos yeux. Sans un tel cadre il est bien entendu impossible de réguler ou de gouverner de manière efficace. Avec un groupe de collègues de différentes disciplines, je me suis embarquée dans un projet qui visait à re-théoriser la finance. De cette initiative a émergé ce que nous avons appelé la Legal Theory of Finance (LTF), une théorie qui pose que les systèmes financiers contemporains sont des créatures du droit. La finance repose sur des engagements juridiques crédibles qui peuvent être appliqués à un certain moment et un certain endroit. Sans de tels engagements, la finance n’aurait jamais pu se développer à l’échelle mondiale. Un regard un peu attentif révèle que mêmes les choses financières les plus complexes, par exemple les produits dérivés reposent sur des institutions juridiques qui exis


Sylvain Bourmeau

Journaliste, directeur d'AOC

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