Photographie

Thyago Nogueira : « Claudia Andujar mène plus qu’un projet artistique, un combat éthique »

Critique

La photographe et militante Claudia Andujar demeure injustement méconnue en dehors des frontières du Brésil. Après avoir présenté certaines de ses œuvres en 2003 dans l’exposition « Yanomami, l’esprit de la forêt », la Fondation Cartier poursuit son travail de mise en lumière de l’artiste avec « Claudia Andujar, la lutte Yanomami », du 30 janvier au 10 mai. Son commissaire, le brésilien Thyago Nogueira, y présente 300 photos, une installation visuelle et des dessins réalisés par des artistes Yanomami.

Le travail de Claudia Andujar, tant artistique que politique, frappe non seulement par sa force et son audace, mais aussi par la rigueur morale et l’engagement éthique qui lui ont servi de boussole durant toute son existence. Cette femme intrépide, surnommée la napëyoma, « la femme blanche », a en effet dédié la seconde partie de son existence à la défense et la protection d’un peuple indigène d’Amazonie, les Yanomami, contre la conquête de leur territoire menée au nom d’un prétendu « développement » pour s’emparer notamment de ses richesses minières, à partir des années 70.

Née dans la paisible ville de Neuchâtel en 1931, Claudia Andujar passe son enfance en Transylvanie, et rien ne l’aurait probablement mené au cœur de la forêt amazonienne sans la Seconde guerre mondiale : ses origines juives la poussent en effet à quitter l’Europe, alors que son père et la plupart des membres de sa famille sont exterminés dans les camps. Ce traumatisme initial, allié à une forme de « complexe du survivant », n’est sans doute pas sans lien avec son désir de lutter aux côtés d’un autre peuple dont on organisait la disparition. Arrivée au Brésil à vingt-cinq ans, après une adolescence solitaire à New York, elle se prend de passion bien des années plus tard pour les Yanomami, passion qui deviendra le combat d’une vie.

Alors que les équipes s’activent pour le montage, je circule dans la forêt de ses images, suspendues sous les verrières modernes de la Fondation Cartier, pour retrouver Thyago Nogueira, commissaire de l’exposition. Les photographies, puissantes, oniriques, immersives d’une part, et cliniques, utilitaires, documentaires d’autre part, se chargent de gravité dans le contexte brésilien actuel. Contre la dictature militaire d’hier et les provocations de Jair Bolsonaro d’aujourd’hui, contre l’uniformisation des façons d’habiter et d’être au monde et l’appétit insatiable des capitalistes du « Peuple de la marchandise », la lutte Yanomami se poursuit. Y.S.

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Ysé Sorel

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