Arts visuels

Peter Szendy : « La visibilité n’est qu’une part infime de ce qui arrive aux images »

Journaliste

Après s’être longtemps intéressé à la musique, le philosophe Peter Szendy a publié en 2017 Le supermarché des images : essai d’iconomie (Editions de Minuit) sur cette cette visibilité saturée qui nous arrive de partout, nous entoure et nous traverse aujourd’hui. Un essai transformé aujourd’hui en une passionnante exposition à voir au musée du Jeu de Paume à Paris.

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Chaque jour, plus de trois milliards d’images sont partagées sur les réseaux sociaux. Notre monde en est saturé, submergé, et pour Peter Szendy, face à une telle surproduction d’images, se pose plus que jamais la question de leur stockage, de leur gestion, de leur transport (fût-il électronique) et des routes qu’elles suivent, de leur poids, de la fluidité ou de la viscosité de leurs échanges, de leurs valeurs fluctuantes… bref, la question de leur économie. En complément de son essai publié en 2017, le philosophe a choisi – avec ses co-commissaires Emmanuel Alloa et Marta Ponsa – de montrer dans Le Supermarché des images des œuvres qui parlent aussi bien d’économie de l’image que d’images de l’économie. Car le capitalisme de l’image a des répercutions aussi bien économiques que politiques ou esthétiques. La question de la visibilité rejoint alors celle de la production dans le concept d’iconomie qu’il a forgé et qu’il approfondit dans cette exposition qui vient d’ouvrir au Musée du Jeu de Paume. RB

L’exposition Le Supermarché des images s’ouvre trois ans après votre essai Le Supermarché du visible, pourquoi ce glissement sémantique du visible à l’image ?
L’essai est en effet le point de départ puisque Marta Gilli, qui était alors la directrice du Jeu de Paume, m’a contacté après l’avoir lu pour me proposer d’imaginer comment on pourrait en tirer une exposition. Ce qui posait toutes sortes de questions, d’abord parce que je n’avais jamais fait cela, et il m’est apparu très vite qu’il s’agissait autant d’oublier l’essai que de le transformer. Oublier, cela signifiait adopter une démarche consistant à toujours repartir des choix d’œuvres qu’on avait fait, de les laisser rejaillir sur le propos, et de penser « par en bas » comme le prône Theodor W. Adorno. Dans sa Théorie esthétique, le philosophe reproche ainsi aux philosophes d’avoir toujours pensé l’art par en haut, à partir de l’idée ou du concept, ce qui les empêche de jamais arriver jusqu’aux œuvres. I


Raphaël Bourgois

Journaliste

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