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Antonio Casilli : « Cette épidémie s’avère aussi un signal d’alarme à propos du numérique »

Journaliste

Près de 3 milliards de personnes sont aujourd’hui confinées. Dans cette situation, qu’il s’agisse du travail ou de toute autre forme d’interactions humaines, les relations numériques sont venues pallier l’absence de contact physique. Comme si nous avions été brutalement précipités dans un monde 2.0 depuis longtemps prophétisé. Reste à savoir si ce monde relève plutôt de l’utopie, ou de la dystopie.

Depuis le début de l’épidémie de Covid-19, devenue depuis pandémie, l’outil numérique est apparu tour à tour comme un moyen de lutte contre la propagation du coronavirus, un outil de contrôle social, un substitut à nos relations avec nos proches, une façon de maintenir une activité professionnelle… Tout se passe comme si du web 2.0 – qui désigne depuis maintenant près de 20 ans ce deuxième âge d’Internet dans lequel les interactions humaines sont simplifiées et accélérées – nous étions passés à un monde 2.0. Face à cette accélération d’une mutation en cours, et à l’affaiblissement des interrogations et des barrières qui en freinaient péniblement la progression, le sociologue Antonio Casilli possède l’avantage d’un regard porté sur le long terme. Professeur en sociologie à Telecom Paris, ses recherches portent principalement sur la politique, la santé et les usages informatiques. Il avait publié il y a dix ans Les Liaisons numériques. Vers une nouvelle sociabilité ? (Le Seuil), un ouvrage de référence sur ce qu’Internet fait à nos façons de nouer des amitiés, de développer des relations professionnelles ou encore de constituer un couple. Récemment, il s’est intéressé, dans En attendant les robots. Enquête sur le travail du clic (Le Seuil), à la fausse « promesse » de voir l’intelligence artificielle remplacer l’humain dans son labeur, et les machines finalement faire disparaître le travail. Son regard sur la situation actuelle fait émerger la nécessité de ne pas perdre de vue une approche critique, et un souci démocratique, quand on mobilise des outils numériques qui peuvent par ailleurs se révéler utiles pour lutter contre l’épidémie. RB.

Lutilisation des moyens offerts par le numérique, à loccasion de l’épidémie de Covid-19, qu’il s’agisse de garder le contact avec les proches ou de continuer à travailler, amène certains à évoquer un « basculement dans un monde 2.0 ». Quen pensez-vous ?
Le côté utopique de ce monde 2.0, tel qu’il est présenté ou prophétisé, se


Raphaël Bourgois

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