David Napier : « Nos conceptions des maladies sont culturellement construites »
David Napier est professeur d’anthropologie médicale à University College London, et l’un des experts reconnus par les institutions médicales globales pour sa conception sociologique de l’immunité. Spécialiste de la religion balinaise, il est allé en Indonésie dans les années 1980 lorsque le Sida émergeait pour étudier les rituels de guérison. C’est à l’issu de ce travail d’anthropologie culturelle, objet de sa thèse à l’université d’Oxford Masks, Transformation, and Paradox (1986), qu’il se convainc que nos conceptions de la maladie sont culturellement construites. Cela le conduit dans Foreign Bodies: Performance, Art, and Symbolic Anthropology (1992) à réfléchir aux relations entre les virus et le système immunitaire, et à se pencher sur les liens entre vulnérabilité et solidarité dans les sociétés néo-libérales. Dans The Age of Immunology (2003), enfin, David Napier définissait le système immunitaire comme un « moteur de recherche » (search engine) qui gère le virus comme une information. Il rompait ainsi avec la conception portée par une vision évolutionniste de l’immunité selon laquelle les organismes se mettraient en danger dans un environnement qui les sélectionne ; au contraire, selon Napier, ils explorent leur environnement et prennent des risques en explorant leur environnement, comme le font les avant-gardes artistiques ou militaires. Il revient dans cet entretien sur la situation politique de l’épidémie de Covid-19, sur son parcours d’anthropologue qui l’a conduit à étudier à Bali une conception polythéiste de l’immunité et sur la contribution des sciences sociales à la gestion des crises sanitaires. La notion britannique d’immunité collective (herd immunity) en ressort éclairée par le regard anthropologique sur la pluralité des façons de construire des relations entre soi et non-soi à travers des masques.
Nous avons reçu des informations contradictoires de l’autre côté de la Manche sur la gestion de la Covid-19. D’abord, le gouvernement brita