Steven Teles : « La carrière de Ruth Bader Ginsburg coïncide avec l’évolution de la bataille pour le contrôle du droit »
Professeur de science politique à Johns Hopkins (Baltimore) et membre important du Niskanen Center, un think tank modéré de Washington, Steven Teles travaille plus particulièrement sur les conservateurs américains. Dans The Rise of the Conservative Legal Movement: The Battle for Control of the Law, un livre paru en 2008, il se penchait sur l’affrontement qui oppose depuis les années 50 conservateurs et progressistes et mettait par là en évidence ce qu’il appelle la « bataille pour le contrôle du droit ». Car cet affrontement ne se joue pas seulement dans les urnes : Teles décrit une véritable guerre culturelle qui se déroule aussi bien dans les universités de droit, les cabinets d’avocats ou les juridictions locales, et qui s’est progressivement durcie en repoussant peu à peu les limites des normes acceptables aussi bien sur la forme que sur le fond. Pour Steven Teles, qui s’est aussi intéressé plus récemment aux Républicains dissidents, les Never Trumpers, la justice n’a pas échappé à la radicalisation partisane des États-Unis à laquelle on assiste depuis quelques années. L’ingérence judiciaire de Donald Trump en est le dernier épisode : le président américain a brisé en juin le record de 200 nominations au sein des cours fédérales et ainsi durablement orienté la justice américaine. Mais c’est surtout la succession de Ruth Bader Ginsburg, morte le 18 septembre dernier, qui révèle à quel point cette bataille pour le contrôle du droit s’est durcie. RB
La mort de la membre de la Cour suprême Ruth Bader Ginsburg ouvre un nouvel épisode de ce que vous qualifiez de « bataille du droit ». Que représentait celle qui était devenue l’icône du mouvement du « progressisme légal » ?
Pour bien répondre à cette question, il faut remonter le fil de la carrière de Ruth Bader Ginsburg, qui à mon avis aurait de toute façon été considérée comme une personnalité importante de l’histoire du droit aux États-Unis, même si elle n’avait pas été nommée juge à la Cour suprême en 19