Littérature

Nathalie Quintane :
« La démocratie niche parfois dans la poésie, à défaut d’être ailleurs. »

Critique

Alors que son nouveau livre prend des airs de Tour de France d’une vieille enfant et raconte toute une vie passée par et dans l’Éducation nationale, l’écrivaine revient ici sur son œuvre et l’articulation au jour le jour du poétique et du politique, que ce soit à l’école, dans les livres ou dans la rue. Où l’on verra passer Jeanne d’Arc, les Gilets jaunes, Darmanin, Hélène Bessette, un lion et LVMH. Un entretien aussi drôle que flippé, aussi optimiste que « défait » et aussi offensif qu’à l’écoute du monde.

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Une prof vous dit tout. Elle vit en collège et enseigne en province ou vice-versa, elle est agrégée. Parfois, d’aimables collègues déposent une brochure dans son casier sur le cumul d’activités, vu qu’elle est aussi écrivaine, auteure de textes (roman, poésie, essai) faussement idiots et véritablement politiques. Comme c’est Nathalie Quintane, il ne faut pas s’attendre à ce qu’elle éponge les ressacs fanés du ressentiment ou pleure sur la « grande misère » de l’enseignement. Dans Un hamster à l’École (à paraître le 14 janvier), ce qu’elle a à dire est beaucoup plus simple et plus vaste à la fois : « si je compte la fac, 5 ans de plus… et le secondaire, 7 ans… et l’école, 5 ans… et la maternelle : + 2… 53 ans que, élève, étudiante, enseignante, je suis dans l’Éducation nationale. » On pourrait faire une variation : « pendant que nous on vit, de gré ou de force, dans BFM Bizness, [les élèves] vivent dans Tolkien » (p. 75).
Nous sommes tous dans quelque chose, comme des hamsters, à pédaler en rond. Quintane creuse ainsi le sillon sociohistorique de ses Années 10 (La Fabrique, 2014) ou de Que faire des classes moyennes ? (P.O.L., 2016) en racontant les cinquante dernières années de la France, certes au prisme de l’institution éducative, mais en tant que ce qui s’y joue ne fait que refléter un mouvement politique général : ségrégation sociale, névroses autoritaires, mesquineries, innocences, réformes ubuesques, intimidation intellectuelle… Reste la création : « Considérant que tous les poèmes (et toute littérature) sont d’intervention – ce que je considère – leur importance se mesure à ce qu’ils firent des circonstances, s’ils les nommèrent, s’ils y mordent encore. » (p. 97)
Un hamster à l’école pourrait aussi être le livre le plus autobiographique de l’auteure (piscine, sandwich, tutos pour éviter de parler de la mort quand un parent d’élève est mort) si la narratrice n’était toujours, comme dans chacun des livres de Quintane, sur le fil de l’ironie, de l’obs


Éric Loret

Critique, Journaliste

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