Maylis de Kerangal : « J’ai le sentiment d’écrire depuis des livres que j’ai lus »
À l’automne 2018, AOC avait imaginé une première rencontre publique sur le mode de la “bibliothèque idéale” : l’historienne Arlette Farge s’était brillamment prêté au jeu qui consiste à devoir établir une liste des dix livres qu’on emporterait sur une île déserte, puis à les commenter dans le cadre d’une conversation. Cet exercice ayant pris un relief particulier après l’expérience partagée des confinements, il nous a semblé intéressant de l’installer dans la durée, en proposant chaque mois à une personne différente de s’y prêter, en public à la Fondation-Pernod dans le cadre d’une série conçue par AOC. Et c’est l’écrivaine Maylis de Kerangal qui a repris ainsi le flambeau, lors d’une rencontre tenue ce 9 février et désormais visible en ligne. Auteure de plus d’une douzaine d’ouvrages depuis une vingtaine d’années, romans et récits, la plupart parus aux éditions Verticales (parmi lesquels Corniche Kennedy, Naissance d’un pont, Réparer les vivants et Le monde à portée de main), elle s’apprête à publier avant l’été un livre dont la forme éclatée se trouvera sans aucun doute éclairée par le choix des dix textes qu’elle propose ici et qui tous témoignent d’un grand souci formel, d’un rapport exigeant à la langue comme matière.
Dix livres, pas un de plus. Comment êtes-vous parvenue à les choisir ?
Le choix fut assez compliqué, et je suis même arrivée avec un peu de rab dans mon sac, essayant – en vain – d’obtenir l’autorisation d’ajouter deux titres… C’est la carte des livres qu’on emporte que j’ai décidé de jouer : je me suis dit qu’il fallait pouvoir les emporter, alors il y a beaucoup de livres de poche. Mais pas que, d’autres sont plus volumineux, certains viennent de sortir et n’existent pas en format poche… Cela excluait aussi les livres d’art, qui pourtant offrent de rêver longtemps, les catalogues d’exposition qui nous permettent parfois de revisiter des moments très riches. Je n’ai pas pris de bande-dessinées non plus, je ne suis pas une très grande lectrice de BD même s’il m’arrive d’en lire. Ce sont vraiment des livres pour une île déserte que j’ai choisis. Dans l’idée que je pourrais avoir envie de les lire, de les relire, et qu’ils puissent aussi être des ressources pour écrire. Car la lecture et l’écriture fonctionnent pour moi comme des vases communicants. Les deux activités s’entremêlent : j’ai le sentiment d’écrire depuis des livres que j’ai lus. Parfois en m’attachant à un auteur mais plus souvent à un texte en particulier. Je ne cesse jamais de lire pendant que j’écris. C’est un moteur qui opère aussi dans le temps de l’écriture. On pourrait trouver qu’il est difficile de lire quand on écrit, que cela peut produire des interférences, comme un effet Larsen, mais non, cela me donne de l’allant, une forme d’énergie. Alors j’ai choisi dix livres qui sont vraiment des livres de toujours, des livres ressources, des livres que l’on relit. On pourra se demander, d’ailleurs, qu’est-ce que relire un livre ? Comment relit-on ? Qu’est-ce que ça dit ? Du temps, de soi… Ce que les lectures changent, les perceptions qui bougent, etc. J’ai choisi certains livres dans cette perspective, pour les relire. D’autres davantage comme des ressources, ce sont souvent des livres très minces mais qui, comme des objets plongés dans l’eau, peuvent prendre des formes immenses, ce sont des livres qui donnent matière à penser, à écrire des fictions ou d’autres types de récits.
On commence ?
On commence par le plus contemporain, un livre que je n’aurais pas eu entre les mains il y a un an : Underland de Robert Macfarlane, un auteur britannique qui n’écrit pas de fiction mais plutôt des récits littéraires et documentaires. Il s’est beaucoup intéressé à la question des lieux, notamment dans deux livres précédents, l’un avec lequel il essayait d’inventorier les derniers îlots de vie sauvage, Wild Places, et un autre très beau livre pour lequel il est parti sur des vieux chemins, de vieilles routes de pèlerinage. Dans son édition française, Underland est sous-titré Voyage au centre de la terre, et moi, adolescente, j’ai été une grande lectrice de Jules Verne… C’est une traduction de Patrick Hersant. En ouvrant ce livre, on passe donc sous la terre. L’ouvrage est composé de neuf ou dix récits, chacun autour d’un lieu, et il est organisé en trois parties : ce que l’on voit, ce que l’on cache et ce qui nous hante. Ce sont des lieux où il s’est rendu, et desquels il a rapporté un texte d’abord d’une grande beauté littéraire mais aussi dans lequel il mobilise beaucoup d’autres choses, qui viennent de la philosophie, par exemple, avec Walter Benjamin ou de l’anthropologie avec Anna Tsing ou encore de la poésie et de William Carlos Williams. Ce sont quelques noms qu’on peut attraper dans Underland, un livre dans lequel s’hybrident ces disciplines différentes, et dans lequel la géologie est aussi, bien sûr, très importante. Macfarlane part de la métaphore de la descente, et il essaie en quelque sorte, et sans mauvais jeu de mot, de relever l’idée de descente, de l’exhausser. Tous ce qui est sous la terre, ces mondes souterrains, ces catacombes, ces nécropoles, ces grottes sont souvent appréhendées avec peur, avec dégoût. Mais lui, il tente plutôt d’adopter une posture de chercheur d’or. Cela fait penser évidemment à la phrase de Victor Hugo sur les mineurs, « l’imagination cette grande plongeuse », cette idée que pour imaginer il faut être comme un mineur… Ce qu’est du coup Robert Macfarlane pour ce livre extraordinaire qui nous amène aussi bien dans une ancienne mine en compagnie d’un jeune scientifique qui essaie de capter les fragments de particules de lumière issue des trous noirs que dans les profondeurs d’une sépulture des montagnes slovènes… Il y a beaucoup d’autres histoires de monuments funéraires, de tertres à travers les îles Lofoten, le Groenland, la Finlande, la Norvège, et surtout la Grande-Bretagne…
C’est un livre-ressource pour moi, du fait de toutes les références qu’il contient mais aussi, et surtout, sur le plan de l’imaginaire, c’est-à-dire l’endroit pour un écrivain qui doit être le plus activé par un travail plastique et sensible, par la curiosité, par les rapprochements, tout ce travail de l’imagination. De ce point de vue, c’est un livre magnifique. Et j’ai écrit, il y a quelques temps, un petit livre qui s’appelle Kiruna, où l’on plonge dans la plus grande mine de fer au monde, à un peu plus de 600 mètres au-dessous du niveau de la terre, j’ai fait l’expérience de cette ramification qui avance à mesure qu’on descend, c’est un terreau très favorable à l’imaginaire de la recherche, de la pierre, du minéral qu’on va extraire et exhumer, ça résonne aussi beaucoup avec le temps, avec la question de la profondeur du temps, de la profondeur des temps géologiques, question centrale dans ce livre de Macfarlane, qui est aussi un livre très lié à l’écologie. Mais il ne s’agit pas d’une profession de foi écologique qui donnerait lieu à un discours. Cela passe par des récits, par la notion d’émerveillement qui intervient beaucoup, par l’archéologie… Et il pose sans cesse cette question : sommes-nous de bons ancêtres pour ceux qui viendront après ? Il discute un peu l’idée d’anthropocène, qu’il reprend et réactive. En fait, pour moi c’est vraiment un grand livre d’écologie qui se pose la question de savoir comment unir le paysage et le cœur de l’homme, chaque histoire déployée est à la fois une exploration et quelque chose que l’on peut garder en soi et faire infuser longtemps.
Vous parliez de profondeur du temps et, avec le deuxième livre que vous avez choisi, nous basculons aux antipodes temporels : on passe du contemporain au plus ancien…
Oui, c’est un livre qui date ! On pense qu’il a été écrit environ 800 ans avant notre ère : c’est L’Odyssée, ici dans une dans une traduction de Philippe Jaccottet. C’est le livre qu’on a avec soi tout le temps. C’est le livre de tous les livres. La matrice de la littérature. Comme à peu près tout le monde, j’avais lu bien des versions d’histoire de la mythologie et même des versions de l’Odyssée, c’était quelque chose d’assez su, j’avais l’impression de m’y retrouver assez bien. Et puis, j’ai lu Un père, un fils, une odyssée, un livre extraordinaire dans lequel Daniel Mendelsohn raconte comment il enseigne L’Odyssée à ses étudiants, son père vient s’inviter dans les cours, Télémaque-Ulysse, Daniel et son père, qui va mourir. Les choses se retissent, l’étude de L’Odyssée et cette histoire, tout s’enchâsse. J’ai été tellement émue, touchée en lisant ce livre que j’ai eu envie de relire L’Odyssée. Mais de le relire bien. Alors j’ai commencé à le recopier. Je me suis dit que pour bien connaître l’Odyssée, il fallait que je la recopie. A ce moment-là, j’étais dans mon roman Un monde à portée de main, je me demandais ce que c’était que créer, inventer. J’ai choisi une traduction versifiée parce que je trouvais ça mieux pour bien connaître cette histoire. J’y suis encore, je continue de recopier, je touche à la fin mais j’avance tranquillement. Je suis incapable de dire quelque chose de la traduction, de la comparer, avec celle de Bérard, par exemple, que j’avais lue. Je la trouve belle celle de Jacottet, extraordinaire parce qu’elle rend grâce à l’aspect extrêmement concret de ce récit, c’est-à-dire que, tout d’un coup, on n’est plus du tout dans un grand texte de la mythologie, qui brasse des grands personnages et des grands faits épiques, on est dans les détails extrêmement précis et bouleversants de la vie quotidienne, des détails assez prosaïques, qui sont comme des grains précieux dans ce texte et lui donnent une intensité et une présence absolument fascinante. Peut-être doit-on cela à Jaccottet, à un autre poète donc, qui vient avec Homère.
Et ce qui me touche aussi, évidemment, dans ce texte, c’est que ce grand livre, ce gros livre est aussi pour moi la trace d’un temps où la littérature était orale. C’étaient des aèdes, les rhapsodes, cette idée de tisser le texte, de le dire oralement devant la communauté. Cela permet de se rappeler qu’à un moment donné la littérature avait cette forme orale et qu’elle créait des communs, des espaces communs. Immédiatement, elle faisait communauté parce qu’elle était dite sur des places. Elle rassemblait autour d’elle. Je trouve ça extrêmement fort et intense comme idée. Souvent dans l’écriture, j’essaie pour moi-même de retrouver cette espèce de tonalité archaïque, celle d’une oralité ancienne. Je ne dis pas du tout que j’y arrive, mais c’est un idéal que cette présence orale assez nette, comme une voix ancienne susceptible de faire commun. C’est un peu le père ou la mère de toute la littérature L’Odyssée – j’avais envie d’en parler parce que c’est un texte qui vient rencontrer tous les autres.
On poursuit avec un livre beaucoup plus récent…
Oui, Réservoir 1, un livre de Jon McGregor qui a dû paraître en 2017 ou 2018 en traduction française, chez Bourgois. C’est un texte exceptionnel et qui n’est évidemment pas sans rapport avec les précédents ni, je l’espère, avec les suivants. C’est un roman, pour le coup on est vraiment dans la fiction. Ça se passe en Angleterre, dans un village qui n’a pas de nom, mais qui est situé dans une région montagneuse, là où un autre village a été englouti. Ce village est entouré de réservoirs, treize réservoirs. Et ce livre commence avec la disparition d’une jeune fille, qui a peut-être 16 ou 17 ans. Le livre s’ouvre sur les gens du village qui la cherchent. On ne sait pas où elle est et ils la cherchent partout. On part dans la montagne avec toute la communauté villageoise. Personne ne la trouve et ce livre va couvrir les treize années qui vont suivre sa disparition. Un an par chapitre, soit treize chapitres, qui tous s’ouvrent de la même manière, quasiment, c’est à dire à minuit lors du changement d’année avec des feux d’artifice. La première phrase de chaque chapitre n’est pas exactement la même mais c’est chaque fois le même jour de l’année, le premier, la même heure et il y a des feux d’artifice. C’est un système de cycles et de répétitions, il y a vraiment les travaux et les jours, l’idée des saisons qui reviennent sans cesse, l’éclosion de la nature, et puis les grandes chaleurs, l’arrivée de l’automne, le froid… Et cette jeune fille qui n’est pas là. Du point de vue narratif et du point de vue littéraire, c’est passionnant parce que cela commence un peu comme un roman policier ou un thriller, une jeune fille disparaît dans un paysage de campagne, de collines et, en fait, ce n’est pas du tout le moteur du texte… On a simplement, de temps en temps, de petits indices de sa disparition, on retrouve un sweatshirt, un bout de tissu, des choses qui pourraient être à elle mais que le narrateur n’élucide pas et cela désactive totalement l’idée qu’il faut que quelque chose se passe absolument dans un roman. On est au contraire pris dans une langue vraiment extraordinaire. La traduction de Christine Laferrière est incroyable.
Sur le plan littéraire, c’est l’un des textes les plus beaux que j’ai lus, un texte d’une grande beauté. La narration est telle que tout est traité au même plan, c’est à dire les animaux, la vie de la nature et la vie des hommes. Tout ça fait partie d’un même champ. On est sur un plan totalement immanent et la narration sinue entre les vivants, les humains, les non-humains… Cela produit un effet saisissant, c’est de la vie pure. Le texte imbrique la vie du village, les enfants qui grandissent, qui quittent le village, les racontars, les rumeurs, les liaisons, les mariages qui ont lieu, puis ceux qui se défont, les gens qui déménagent, les gens qui arrivent. Et puis, évidemment, les animaux que l’on reconnaît, qui reviennent, qui ont des petits, qui sont chassés, tel arbre qui tombe etc. C’est une compréhension très forte et saisissante du temps, et avec une radicalité formelle dont l’auteur ne dévie jamais, avec un dispositif narratif très fort, très intense. Et cette jeune fille, qui est le fantôme du livre, ne devient jamais l’espèce de mistigri un peu artificiel que l’on trouve souvent dans les romans, et est sensé faire cavaler l’histoire. En fait, elle est là pour ouvrir un champ. Et c’est un livre très troublant aussi quant à la manière dont la littérature peut travailler la durée. Qu’est-ce qu’une durée quand on écrit ? Qu’est-ce que penser la durée ? Qu’est-ce qu’écrire la durée ? On n’est pas dans les chants d’Homère, ni dans la durée géologique de Macfarlane, ce sont ici des durées beaucoup plus courtes, que nous pouvons appréhender. Treize ans, on peut l’appréhender, une année, on peut l’appréhender. Je crois que chaque chapitre fait à peu près le même nombre de pages. Aucun ne se ressemble parce qu’évidemment les gens grandissent, la vie continue… C’est un texte extraordinaire.
Un quatrième livre sur cette île…
Oui, un autre texte ressource, un peu comme le livre de Macfarlane. C’est un livre magistral : Témoignage de Charles Reznikoff, sous-titré « Les Etats-Unis 1885-1915 ». Il est traduit par Marc Cholodenko. C’est un gros livre mais je pense que ça vaut le coup de l’embarquer quand même, même s’il est épais. Charles Reznikoff est considéré comme un poète assez proche de William Carlos Williams dont nous parlions tout à l’heure, c’est-à-dire comme un poète objectiviste. On est dans l’hyperprécision et, surtout, on retient l’émotion, avec des textes qui ont une apparence assez sèche. Pour Reznikoff, la poésie c’est un travail vertical et la prose un travail horizontal. Dans ce livre-là, ce sont plutôt des poèmes, mais chaque poème raconte une histoire. Pour écrire ce livre, Reznikoff s’est saisi de minutes de procès qui ont eu lieu aux États-Unis dans les années 1920, à un moment de développement de l’industrie dans ce pays, un moment de migration de populations, un moment de puissance, on le voit dans le livre, avec les usines, les trains, un moment où la foule grouille… Il a assisté à des procès de faits divers, de crimes atroces, mais aussi de choses plus simples, des querelles de voisinage, des accidents de travail, etc. Et ce qu’il fait est vraiment incroyable, il en fait de petits blocs poétiques, des histoires. C’est en ce sens-là que c’est une ressource. En emportant ce livre-là, on embarque des centaines d’histoires à lire qui toutes se sont déroulées aux États-Unis à cette période et qui ont cette intensité, parce que la sécheresse et la précision produisent une grande intensité. Et même s’il plaidait pour l’épopée anti-épique et la grande fresque sans lyrisme, c’est pour autant un texte saisissant et même assez bouleversant par cette façon de produire des espèces de concrétions, de compression d’histoires. Ces blocs produisent un effet incroyable, d’autant qu’il joue avec la composition, les blancs…
Ce livre est aussi une entrée, un accès à un temps et à une histoire, celle de l’essor de la société étasunienne à un moment, dans les années 20, où l’industrie s’emballe, où les enfants travaillent, où il y a à la fois de la misère et des enjeux de pouvoir. C’est un livre assez violent, ce n’est pas l’émerveillement de Macfarlane… C’est une société plus dure, plus violente,
Ce qu’il semble y avoir de commun à plusieurs des livres que vous avez choisis c’est le caractère documentaire et le dispositif formel…
Ce sont des livres pour lesquels l’auteur trouve et façonne une langue qui lui est propre pour dire quelque chose du monde dans lequel il vit. Je ne parle pas d’Homère, bien sûr, mais je pense que Macfarlane, dont la langue extrêmement poétique est gorgée de références scientifiques. L’aspect documentaire n’est pas du tout didactique, il sert plutôt à déployer des mondes et trouver des ressources et des images pour penser, et pour mettre les choses en relation. Et il est vrai également que McGregor comme Reznikoff offrent des textes saisissants et originaux du point de vue très singulier de la langue. Charles Reznikoff est surtout connu pour avoir écrit, sur le même principe, Holocauste, son autre très grand texte, McGregor l’est moins, c’est un auteur d’une quarantaine d’années. Mais dans les deux cas, il s’agit de littérature, avec l’idée d’un façonnage, d’un travail du langage, en tout cas d’une connexion très intime avec la langue qui permet de qui permet de produire des textes qui sont à rebours de la banalité et des dispositifs faciles.
Pour le prochain titre, on reste dans le témoignage et le dispositif formel…
Avec un livre beaucoup plus connu, La Supplication, un livre de Svetlana Alexievitch, une auteure biélorusse désormais prix Nobel de littérature. C’est encore un livre extraordinaire, mais tout son travail est extraordinaire, et il me fait évidemment beaucoup penser à celui de Reznikoff, dont d’une certaine manière elle perpétue un peu la démarche, comme Macfarlane s’inscrit aussi dans une démarche d’enquête en rencontrant des gens, en restituant des dialogues… Ce que fait aussi Svetlana Alexievitch dans La supplication, un texte construit avec des propos de femmes à propos de la catastrophe de Tchernobyl, en 1986. C’est un livre qu’on peut l’emmener sur une île, je pense. Ce n’est pas forcément une lecture de distraction, mais c’est une lecture tellement forte et magnifique. Une lecture qui nécessite de la concentration, et c’est peut-être cela que les îles permettent, d’instaurer des espaces de concentration. La manière dont Svetlana Alexievitch travaille est désormais connue mais il faut en dire deux mots quand même : pendant dix ans, elle a interviewé des témoins de la catastrophe de Tchernobyl, des liquidateurs, des gens qui vivaient autour, qui travaillaient dans la centrale et leurs familles. Elle a enregistré des centaines d’heures de bandes magnétiques et de notes, à partir desquelles elle a composé ce livre, qui n’est pas très volumineux. Elle retravaille ces témoignages, non pas pour les déformer et pour en tirer quelque chose pour elle-même, mais parce qu’elle travaille selon un principe d’oralité, ce qui nous fait nous retourner vers Homère et, peut-être aussi un peu vers Reznikoff avec cette idée des minutes des procès qui deviennent des poèmes. Il y a chez Alexievitch un système de chœur et d’oratorio, elle organise des voix. Et c’est par une forme polyphonique qui confine à l’opéra, avec les solos et les chœurs, qu’elle raconte toute cette histoire. Et évidemment, comme Reznikoff, elle se place du côté de ceux qui ont souffert, du côté de ces voix que le pouvoir voulait éteindre, étouffer. Les suites de la catastrophe de Tchernobyl ont montré qu’il y avait eu cette volonté de taire, d’enfouir et briser ces témoignages. Et elle, au contraire, exhausse tout cela dans un livre absolument admirable, qu’elle a appelé « chroniques du monde après l’Apocalypse » et c’est vrai qu’il y a une dimension de chronique puisqu’on voit comment cette catastrophe se dépose dans les mémoires, et quelle est la nature de ce dépôt. Outre l’aspect de témoignage, c’est ce travail quasi-musical sur les voix qui m’a intéressée, des voix fragiles. On est en 1986, encore sous une dictature, avec des voix qui ne se libèrent pas mais qu’elle parvient à faire entendre dans un livre qui est une composition au sens fort, avec tout un système de partitions. Dans ses livres, elle est à la fois présente, puisqu’elle compose mais aussi derrière puisque ce sont les voix des témoins qui parlent, qu’elle les fait résonner. Il y a tout un système aussi d’échos, de résonances, plusieurs histoires se croisent, l’une va parler de son fils, l’autre de son mari puisque ce sont des voix de femmes.
Vous en parlez en comparant beaucoup avec la musique mais on pourrait aussi comparer ce travail au cinéma et à l’art du montage. Là où Reznikoff ferait plutôt penser à l’art du cadrage, celui, par exemple, de la photographie documentaire de la même époque aux États-Unis, c’est vers le cinéma qu’il faudrait se tourner pour comprendre le travail de Svetlana Alexievitch…
Oui, c’est vrai que pour Reznikoff c’est vraiment cette idée de cadre qui est très forte. D’ailleurs, on a cette perception du cadre quasi sur la page, avec la mise page, et c’est vrai que l’on pense à la photographie américaine, qui se développe beaucoup à ce moment-là. Et c’est vrai, pour Alexievitch, qu’il y a tout un système de montage puisqu’à partir de toutes ces heures d’enregistrement, elle va composer un texte assez ramassé. C’est davantage un principe de cinéma, c’est vrai.
Nous sommes à mi-chemin de cette liste, il vous reste cinq titres…
Je voulais parler de ce livre d’Annie Ernaux, Les Années. C’est un auteur important, elle est lue dans le monde entier, a écrit des livres majeurs, notamment La Place, un de ces grands livres capables de métaboliser la honte sociale, de dire ce que c’est que d’être un transfuge de classe. Son travail est extrêmement politique, mais également très littéraire puisqu’elle invente une langue. On a parlé pour la qualifier de langue blanche avec un « je » qu’on dit transpersonnel… J’aime bien l’idée qu’elle vienne après Svetlana pour repartir un peu vers des textes dans lesquels la psyché et l’intériorité sont plus présentes. Et, elle pourrait faire le lien avec Virginia Woolf ensuite — d’ailleurs Virginia Woolf a également écrit un livre qui s’appelle Les années. Mais revenons aux années d’Ernaux, qui est pour moi une sorte de livre idéal parce qu’il s’agit d’une autobiographie à la première personne du pluriel, une autobiographie qui se raconte au nous. C’est un tour de force littéraire mais c’est aussi l’idée qu’elle va fondre sa vie dans la vie des femmes qui sont nées au début des années 1940, comme elle. Il y a une façon de faire résonner une vie singulière, qui commence à Yvetot, donc au cœur du pays de Caux, dans un milieu modeste, ses parents sont peut-être les premiers à quitter le travail de la terre pour s’établir comme cafetiers, ils tiennent un bistro à Yvetot et elle est d’abord cette enfant, puis cette adolescente dans un endroit que je connais bien, puisque je suis du Havre, ensuite, elle devient une intellectuelle, elle va vraiment passer dans une autre classe sociale. Elle raconte tout cela dans La Place mais elle y revient aussi beaucoup dans ce livre, Les Années, qui est admirable dans son ambition de se penser soi en regard de, et avec et depuis tous les autres et surtout toutes les autres, parce que c’est vraiment l’histoire des femmes qui est dite dans ce livre, jusqu’au moment de la parution, en 2008, je crois, dans un moment qu’on pourrait dire pré-metoo. C’est tout un chemin, celui d’une émancipation qu’elle raconte. Et ce qui est troublant c’est que le livre est rythmé par des photos que l’on ne voit pas, mais qu’elle décrit, il y en a une douzaine, je crois, et l’on voit cette fillette qui grandit, qui devient cette femme et qui devient cette femme plus âgée, qui est complètement contenue, à la fois réfractaire à la société dans laquelle elle vit et, en même temps, en épousant totalement le mouvement intime, les méandres… Il y a beaucoup de références culturelles, passent dans ce livre le cinéma, la musique, on participe totalement de cette seconde moitié du XXe siècle. Et, au plan littéraire, c’est une autobiographie très singulière, on n’est pas du tout dans l’examen – qui pourrait être passionnant d’ailleurs, ce n’est pas la question – de la psyché, dans une espèce d’introspection ou d’auto-socioanalyse. Là, elle se place d’emblée avec les autres et elle suit sa route. J’avais été très impressionnée par ce livre où l’on retrouve en plus cette note qui est la sienne, très nette, très claire, presque cristalline, assez dure et assez précise aussi. C’est un grand texte, je pense, il fait partie des livres qui m’inspirent quelque chose sur la relecture. Il y a peu de livres que l’on relit. Mais Les Années oui, comme La Place…
Et aussi ?
Et aussi Mrs Dalloway de Virginia Woolf, par exemple. Pour le coup, comme auteure, je me sens peut-être plus proche de cette langue que de celle d’Annie Ernaux, qui a un tempérament et une langue très différente de celle que j’essaye de former. Il y a chez Virginia Woolf un rapport à la mémoire beaucoup plus hybridé, un rapport au temps, à la coexistence et au souvenir qui me semble beaucoup plus proche de moi. Ce n’est pas comme ça qu’Annie Ernaux travaille, dans Les Années, la trajectoire du livre est chronologique et c’est un travail de restitution qui est mené. Mrs Dalloway c’est ce qu’on appelle un 24 hour book, ça se passe en 24h, c’est un livre très célèbre, qui commence par cette très célèbre : « Mrs Dalloway dit qu’elle se chargerait d’acheter des fleurs ». C’est une grande bourgeoise, peut-être même une aristocrate, on est dans le quartier de Regent’s Park, où vit la haute société anglaise et cette femme va recevoir chez elle. C’est ce jour qui s’écoule et le lecteur passe cette journée avec elle, ce pourrait n’être que la préparation d’une réception mais on revisite la vie de cette femme, avec ce jeu sur le temps, le présent et le passé, avec le retour d’un ancien amour qui frappe et qu’elle reçoit, mais elle le reçoit alors qu’elle est en train de coudre, il est introduit chez elle, c’est un homme assez malheureux, ils se sont aimés, cela les fait vaciller, c’est un livre de vacillements, de tremblements, tout d’un coup, les images se surimposent, s’enchevêtrent, et puis cet homme repart et elle reste avec cette présence qui fait revenir l’histoire, les souvenirs de la jeunesse. Ill y a aussi la description extraordinaire de ce que c’est qu’une soirée dans la haute société britannique londonienne, c’est pour le roman une manière d’attraper le social, la société dans ce qu’elle peut livrer de rapports sociaux — tout ce qu’on retrouve dans Proust, extrêmement nuancé — les gens qui se reçoivent mais qui ne se parlent pas, la question de l’étiquette, la question du protocole, la manière dont les vies sont corsetées, tenues dans leurs règles et dans leurs usages, et c’est le substrat où prend corps la vie de Clarissa Dalloway, qui est une femme totalement prise dans ces conventions mais qui néanmoins, et c’est extrêmement déchirant dans le livre conserve ses espaces de rêverie, de liberté. Elle n’est pas malheureuse d’ailleurs. Il y a cette espèce de mélancolique, assez poignante. C’est au fond un livre, comme les autres livres que j’ai cités, qui rappelle que la littérature est aussi un moyen d’accès à d’autres vies. Ce livre de Virginia Woolf comme Du côté de chez Swann de Proust sont comme des accès, ils nous permettent d’accéder à d’autres mondes, alors même qu’ils ne coïncident pas du tout avec nos propres vies. Il y a là une force de la littérature, une puissance un peu inégalée qui permet à la littérature de penser la société aussi. Chez Proust comme chez Virginia Woolf, c’est la haute société, avec ses côtés un peu pittoresques, c’est très saillant. Il est peut-être d’ailleurs plus difficile d’attraper des mondes moins documentés, moins écrits, d’où l’importance des livres comme ceux d’Annie Ernaux, La Place ou Les Armoires vides, par exemple, l’importance aussi des textes de Reznikoff qui regardent vers les gens de peu, aux gens plus modestes dont on a moins regardé la vie. Mais quand on commence à lire, ces livres de Proust et de Woolf sur la haute société nous font saisir toute la puissance de la littérature, sa teneur cognitive très forte. A 12 ans on lit un peu pour connaître les mondes auxquelles la vie ne donne pas accès. Moi j’avais une vie assez ordinaire au Havre, et je me souviens très bien comment le roman me donnait accès à d’autres situations, à d’autres scènes. La notion de scène est très forte chez Woolf et chez Proust, mais surtout dans Mrs Dalloway, parce que ça se passe sur 24 heures. Il y a comme un système de scènes qui avancent par blocs. C’est un livre extrêmement émouvant, qui atteint une forme de présence qui me sidère à chaque fois que j’y pense.
Le prochain livre, vous avez déjà commencé à en parler…
Du côté de chez Swann, oui. C’est le livre qu’on relit. Cela me faisait sourire d’ailleurs pendant le confinement, c’est comme si toute la France avait relu Proust, on ne parlait que de ça… Mais c’est bien lorsqu’on a le temps de relire Proust, ça se relit tout le temps, Proust, mais ça implique un rapport à la lecture comme pratique. On est vraiment dans la durée de la lecture mais c’est peut-être, parmi les livres que j’ai lus, celui pour lequel j’avais le sentiment qu’il fallait que je me place dans une continuité pour le lire, non pas ne faire que ça mais ne pas lâcher le fil, parce que les pages, les phrases, l’enchevêtrement des sensations, des visions, des souvenirs, des actions, la façon dont les personnages surviennent dans le livre, dont on les lâche, dont ils reviennent plus tard, —je pense surtout à Swann, en l’occurrence —, tout cela demande une continuité de lecture. C’est ce livre qui vous fait comprendre ce que c’est que le temps, le temps dans la lecture. Il y a le temps dans l’écriture, et je me disais d’ailleurs que la littérature, qu’elle soit lue ou qu’elle soit écrite, est peut-être l’un des seuls espaces désormais où l’on éprouve cet enjeu de la durée, de la patience, la durée du regard, la façon dont on se pose et dont on envisage un texte, dont on va à sa rencontre dans un désir de confluence totale, de se mêler à lui. J’aime beaucoup le suivant aussi, A l’ombre des jeunes filles en fleurs mais avec Du côté de chez Swann j’ai l’impression d’être dans le dans le grand mythe littéraire français dont je me dis à chaque fois : on recommence. Et l’idée de revenir sur ces pages que j’ai déjà lues, ces moments que je connais, ces sensations que je vais ré-éprouver ou pas, c’est très troublant. Et à chaque fois, j’ai ce même sentiment d’être requise par une durée qui me dépasse parce qu’elle ne coïncide pas avec ma vie. Ce livre fait effraction dans ma vie. Lire Proust demande un temps et un espace pour le faire. Certains passages sont tellement ramifiés, avec une phrase si complexe qu’on ne peut pas s’arrêter, il faut les saisir d’un bloc. Comme pratique de lecture, c’est vraiment passionnant.
Avant dernier livre, Fragments d’un discours amoureux de Roland Barthes…
Dans les deux derniers livres, ceux de Virginia Wool et de Marcel Proust, mais aussi dans celui d’Annie Ernaux, il est question du sentiment amoureux. Mais c’est très difficile cette idée du roman d’amour. On n’en écrit plus beaucoup, personne ne se frotte trop à ce qui serait un vrai roman d’amour, pas un roman de rupture ou d’échec… Et là, je ne sais pas du tout ce que c’est, Fragments d’un discours amoureux . De fait ce n’est pas franchement un roman, ce texte de Barthes, c’est une île à lui tout seul… C’est un livre totalement fascinant. C’est à la fois un livre d’amour écrit par un amoureux, c’est un livre sur le sentiment amoureux, pleinement vécu mais c’est aussi un livre qui tente également de regarder ce que c’est que de parler d’amour, qui propose une analyse du discours mais dans une construction étonnante qui prend la forme d’un véritable tissage de références et de mots. C’est un abécédaire, avec par exemple : s’abîmer, absence, adorable, affirmation, altération, etc. Et, à chaque fois, il y a un, deux, trois textes qui sont des petits fragments qui viennent étayer ce mot. Bien sûr d’un bout à l’autre du livre, tous ces mots se parlent. Les fragments se parlent tous entre eux. Il y a des rapprochements et des rapports, des analogies entre tous. Ils sont aussi tissés à travers un système de références qui va de la musique à de nombreux textes littéraires, à commencer par l’omniprésence des Souffrances du jeune Werther… Mais il y a beaucoup de musique, j’avais oublié à quel point il y avait de la musique. Sur le plan de l’interrelation entre tous les blocs c’est une œuvre extraordinaire, et personne sans doute ne la lit de manière cursive mais, en même temps, lorsqu’on la regarde dans son ensemble, en commençant par « s’abîmer » et en terminant par « vouloir saisir », on se rend compte de tout le travail de nouage aussi bien au plan linguistique qu’imaginaire. C’est aussi un livre conçu comme une sorte de labyrinthe dans lequel on se déplace et où l’on peut retrouver des choses que l’on a éprouvé, avec cette espèce de contentement sidéré qui nous fait penser que « c’est exactement ça ». D’autre fois, un mot s’invite, qui vous fait revisiter un souvenir ou un texte, il y a une dimension d’exploration dans cette lecture, on revisite sa propre histoire amoureuse mais on peut aussi en explorer d’autres, lues, vues… C’est un livre qui se donne comme une espèce de jeu de piste aussi, non pas un jeu de l’oie mais peut-être une marelle : on passe de la terre au ciel. C’est un livre qu’on lit tout le temps, qu’on lit toute sa vie, qu’on lit pour toujours. Il y a des paroles très fortes et assez bouleversantes, notamment tout ce qui concerne l’absence, l’attente, la jalousie… Et cette écriture en fragments, qu’on a déjà vue chez Reznikoff, par exemple, est d’autant plus intéressante que ces fragments servent à établir ici une forme de topologie du récit, une sorte de cadastre, qui permet aux textes de se répondre.
Le moment est venu du dernier titre, de la poésie…
Évidemment qu’on emmène de la poésie sur une île, et pourquoi ne pas être un peu dionysiaque avec Alcools d’Apollinaire. La poésie, c’est important dans ma vie. J’en lis beaucoup, j’en lis régulièrement, j’ai toujours avec moi les Sonnets de Shakespeare, Alcools, les poésies de Villon, André Chénier… En fait, pour moi, ce sont aussi des activateurs d’écriture, c’est parfois des images très, très intenses. Alors, Alcool est un recueil très connu, extraordinaire, il commence par l’ensemble des poésies rhénanes qui sont très belles… C’est un livre magique parce qu’on est à la fois dans la modernité – pas celle de Reznikoff, c’est un peu avant, Apollinaire meurt en 1918 – on voit la tour Eiffel, on voit les trains, une espèce de jaillissement de la modernité et aussi ces mythologies rhénanes en arrière-plan. La recherche formelle est fascinante aussi, il y a cette histoire de vin mais c’est très tenu pour un recueil sur l’ivresse. Et les images sont très diverses, entre « Nuits rhénanes » et « Colchique », on n’est pas du tout dans les mêmes univers. C’est un livre que j’ai toujours avec moi. C’est important de ne pas couper le roman de la poésie. J’écris plutôt des romans ou en tout cas des textes narratifs, et c’est important que la poésie reste présente. Non pas l’idée que le roman doit être poétique, je ne sais pas trop ce que cela voudrait dire. Mais pour chaque roman, j’ai toujours un recueil de poèmes avec moi. Je me souviens que pour Réparer les vivants j’étais dans une cohabitation avec les poésies de Villon. Elles n’apparaissent pas, elles ne sont pas devant et je ne sais pas du tout ce que ça produit dans l’écriture mais je sais qu’elles sont là. De la même manière, quand j’écrivais Un monde à portée de main, j’étais beaucoup avec les textes de Ponge et de Baudelaire sur les métamorphoses, les objets qui se transforment, etc. Je sais que j’aurais du mal à entrer dans un livre, à l’écrire, à aller jusqu’au bout sans, à un moment donné, avoir avec moi un poète qui veille un peu sur ce travail.
Liste des dix livres choisis par Maylis de Kerangal :
Robert Macfarlane, Underland, traduit de l’anglais par Patrick Hersant, Les Arènes, 1919 (2020)
Homère, L’Odyssée, traduit par Philippe Jaccottet, La Découverte, fin du VIIIe siècle av. JC (2017)
Jon McGregor, Réservoir 13 traduit de l’anglais par Christine Laferrière, Christian Bourgois Editeur, 2017 (2019)
Charles Reznikoff, Témoignage, traduit de l’anglais par Marc Cholodenko, POL, 1965 (2012)
Svetlana Alexievitch, La Supplication, traduit du russe par Galia Ackerman et Pierre Lorrain, Lattès, 1997 (1999)
Annie Ernaux, Les Années, Gallimard, 2008
Virginia Woolf, Mrs Dalloway, traduit de l’anglais par Marie-Claire Pasquier, Gallimard-Folio, 1925 (1994)
Marcel Proust, Du côté de chez Swann, Gallimard-Folio, 1913
Roland Barthes, Fragments d’un discours amoureux, Points-Seuil, 1977 (2020)
Guillaume Apollinaire, Alcools, Poésie-Gallimard, 1913 (1966)