Sylvie Lindeperg : « Nuremberg fut pensé, aussi bien par les Américains que par les Soviétiques, comme un show trial »

Sylvie Lindeperg est professeure à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et membre honoraire de l’Institut Universitaire de France. Ses recherches portent sur les relations multiples entre le cinéma, la mémoire et l’histoire. Elle a consacré une large part de ses travaux aux images de la Seconde Guerre mondiale et aux procès pour crimes contre l’Humanité. Sylvie Lindeperg a écrit et dirigé une quinzaine d’ouvrages parmi lesquels Clio de 5 à 7 (CNRS Éditions 2000), Nuit et Brouillard. Un film dans l’histoire (Odile Jacob, 2007), La Voie des images (Verdier, 2013), Les Écrans de l’ombre (Seuil, 2014). Son dernier livre, Nuremberg, la Bataille des images, vient de paraître chez Payot. Sylvie Lindeperg en présente les lignes de force dans un dialogue avec le cinéaste, critique et théoricien Jean-Louis Comolli avec lequel elle a co-écrit en 2009 le film Face aux fantômes, dans lequel elle joue son propre rôle.s
L’originalité de ton livre tient à ta manière de faire l’histoire d’un évènement historique (le procès par les vainqueurs des dignitaires nazis à Nuremberg en novembre 1945) en prenant en compte tout ce qui est de l’ordre de la représentation – filmage du procès lui-même, projection de « films-preuves » montrant les atrocités commises par les nazis, publicité du procès comme exemplaire d’un idéal « démocratique » à l’américaine – dès le moment de la conception de ce procès, pendant sa préparation matérielle et technique et lors de son déroulement.
C’est une proposition intéressante pour nouer les fils du livre qui interroge la notion de « procès-spectacle ». Nuremberg fut pensé, aussi bien par les Américains que par les Soviétiques, comme un show trial, c’est à dire un procès dont les enjeux débordaient de très loin le sort des 22 accusés pour remplir des missions politiques, pédagogiques, mémorielles. Pour le procureur des États-Unis Robert Jackson, qui fut le maître d’œuvre du procès, il s’agissait autant d’imposer un récit que d’établir un verdict, d