Will Self : « Nous avons lu Junky et nous sommes devenus des junkies »

Depuis le début des années 1990, Will Self bâtit l’une des œuvres les plus singulières et forte de la littérature britannique contemporaine : comme Martin Amis pour la génération précédente, il contribue avec chaque livre à l’invention d’une nouvelle langue. Si, par son caractère ouvertement biographique, il détonne un peu dans une bibliographie d’abord marquée par la fiction satirique, Will, son nouvel opus, ne déroge pas à la règle : c’est un anglais différent qu’on y entend en le lisant, un anglais marqué temporellement du sceau des années 70-80 et ancré territorialement dans la glocalisation des drogues qu’a expérimenté la capitale britannique à cette époque. Will sans self, donc, comme pour signifier la distance empathique pratiquée par Will Self pour évoquer celui qu’il fut et ne saurait, par définition plus être, lorsqu’il avait 25 ans : un junky. Self était beaucoup d’autres choses dans ses années-là mais Will ne donne à saisir qu’une dimension : la toxicomanie. À l’occasion du Live Littérature Festival de la Villa Gillet, dont AOC était cette année partenaire, il revient ici sur ce memoir focalisé. SB
Par son caractère assez directement autobiographique, ce nouveau livre, Will, occupe une place à part dans la liste désormais assez longue des ouvrages que vous avez publié depuis une trentaine d’années. Pourquoi l’écrire à ce moment-là ? Pourquoi pas plus tôt ou dans quinze ans ? Avez-vous vécu un événement qui vous a poussé à l’écrire ?
J’ai passé les dix dernières années, probablement le point d’orgue de ma vie d’écrivain, à travailler sur une trilogie de romans assez ambitieux. Deux d’entre eux ont été publiés en France : Parapluie (Umbrella en version originale) et Requin (Shark), le troisième, Phone, n’est pas encore publié. Et je dirais que dans le monde anglo-saxon, la situation des écrivains masculins d’âge moyen est devenue assez compliquée et même plutôt compromise. Je crois que j’ai senti cette situation venir il y a quatre ou cinq ans et