Claire Denis : « Le cinéma peut faire se rencontrer des gens très différents »
Dix jours plus tôt, lors de la cérémonie de clôture du Festival du Cannes, elle a reçu le Grand Prix du jury pour son vingtième long métrage, Stars at Noon. Cette rencontre avec Claire Denis dans un café parisien se produit au terme d’une séquence particulièrement intense. La cinéaste a en effet enchaîné la réalisation et la postproduction de deux films, Avec amour et acharnement, qui obtenu l’Ours d’argent de la meilleure réalisation au Festival de Berlin et qui est sorti dans les salles françaises le 31 août, et l’adaptation du roman de Denis Johnson situé au Nicaragua mais tourné au Panama, dans des conditions particulièrement difficiles, présenté en compétition officielle à Cannes.

Le premier film, inspiré d’un livre de Christine Angot, raconte une crise d’un couple de quinquagénaires parisiens (Juliette Binoche et Vincent Lindon) lorsque la femme recroise un ancien amant (Grégoire Colin). Stars at Noon accompagne la tentative désespérée d’une jeune journaliste américaine (Margaret Qualley) pour sortir du Nicaragua devenu une dictature et qui, sans un sou, se prostitue mais éprouve un sentiment amoureux très intense pour un Anglais (Joe Alwyn) au statut ambigu, en qui elle voit son possible sauveur.
Ces deux films représentent deux pôles de l’ensemble d’un travail de cinéma qui, depuis le premier long métrage, Chocolat, en 1988, comporte une dimension très intime, au plus proche des émotions physiques, et une attention sans équivalent dans le cinéma français aux formes d’existences non eurocentrées, non occidentales. Le parcours personnel de Claire Denis depuis son enfance en Afrique, sa formation au cinéma en partie menée en Amérique aux côtés notamment de Wim Wenders et de Jim Jarmusch, sa sensibilité particulière à des propositions formelles et narratives venues d’Asie participent de cette trajectoire singulière. Elle n’exclut pas la proximité avec les grands auteurs européens, et notamment français, de la part de la réalisatrice de Jacques Rivette