Magdi Masaraa : « Au Soudan, je suis inquiet que la situation prenne la tournure d’un génocide tel qu’au Rwanda »
Magdi Masaraa est un militant, artiste et activiste politique, ancien lauréat du programme pour les jeunes réfugiés de Sciences Po Paris. Il est né dans un village paisible du Darfour au Soudan, entouré par les membres de sa communauté. En 2003, son village est attaqué par les Janjawids, une milice soutenue par l’État soudanais. Il décide de fuir et entreprend alors un exil de plusieurs années jusqu’à son arrivée en France. ES

Tu viens de la région de Darfour-Occidental, dans les environs de la ville d’El-Geneina, où des affrontements violents ont de nouveau éclaté. Quelle est la situation actuelle ?
Il y a quelques jours, alors qu’un cessez-le-feu avait été déclaré, les hostilités ont repris en moins d’une heure. Ce qui me dérange, c’est que les lumières sont braquées sur les combats à Khartoum, la capitale, alors que le Darfour connait actuellement des affrontements jours et nuits. En ce moment même, il y a des attaques dans plusieurs grandes villes du Darfour dont à El-Fashir au Nord et El-Geneina à l’Ouest. Demain je suis certain que les exactions s’étendront aux villes voisines. La situation s’aggrave donc de jour en jour et pour l’instant aucune aide humanitaire n’a pu se rendre sur place.
La guerre au Darfour a changé ta vie de manière dramatique et pour toujours. Tu as été obligé de quitter ton pays à l’âge de 13 ans et tu as grandi dans plusieurs camps de réfugié.es avant d’arriver en France en 2016. Quel regard portes-tu aujourd’hui sur l’éclatement du conflit au Darfour ?
Je ne pense pas que l’on puisse utiliser le terme de guerre civile pour qualifier le conflit actuel au Soudan. Il s’agit plutôt d’une lutte pour le pouvoir entre deux hommes : « le chef d’État de facto Abdel Fattah Al-Bourhane, à la tête de l’armée régulière (les Forces armées soudanaises, FAS) et son numéro 2, le général « Hemetti », chef d’une importante milice paramilitaire, les Janjawids rebaptisée les Forces de soutien rapide, FSR », selon l’analyse d’Amnesty International