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Claire Denis : « C’est ma paresse qui m’a souvent conduite vers la lecture »

Journaliste

Qu’ils soient africains, antillais ou américains, les auteurs des livres que la réalisatrice Claire Denis a choisi d’emporter sur notre île déserte sont très majoritairement noirs, à divers titres. Sans doute est-ce l’enfance et le goût des lectures alors défendues qui façonne, encore longtemps après, une liste composée sans hésitations ni remords.

C’était au début de l’été, au moment où venait de sortir sur les écrans Stars at noon, son nouveau film – adaptation du premier livre du génial Denis Johnson – que Claire Denis s’est prêtée pour AOC au jeu de l’île déserte – manière d’entrer dans sa bibliothèque resserrée. L’occasion aussi d’évoquer plus généralement ses liens à la littérature, à l’écriture, depuis son film d’études adapté de Philip K. Dick à son travail actuel sur Koltès en passant par ses collaborations avec Marie NDiaye, Emmanuelle Bernheim ou Christine Angot. SB

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Ton nouveau film, Stars at noon, est l’adaptation du premier livre d’un immense écrivain américain désormais disparu, Denis Johnson. C’est un peu une exception : dans ta filmographie, on trouve peu d’adaptations de livres. Par contre, tu as souvent co-écrit tes scénarios avec des écrivaines, récemment Christine Angot, et avant Marie Ndiaye ou Emmanuelle Bernheim, dont tu as adapté un roman, Vendredi soir.
Denis Johnson est un immense écrivain pour moi aussi, très particulier, on ne peut le confondre avec personne. Il n’est pas encore suffisamment lu en France. Je ne l’ai pas mis dans la liste de mes dix livres pour une île déserte parce qu’il est encore avec moi, je n’ai pas besoin d’avoir les livres sous la main. J’ai eu la chance de le rencontrer, ce fut formidable. Il m’avait autorisé à adapter ce livre mais ce n’est qu’après sa mort que j’ai osé. C’est très impressionnant les adaptations. On a toujours peur de blesser ou de décevoir l’auteur d’un livre ou d’un poème qu’on chérit, un auteur qu’on respecte.
La première fois que j’ai travaillé avec Emmanuèle Bernheim, c’était par hasard. Nous nous connaissions et un producteur nous avait proposé d’adapter ensemble le dernier scénario de Jean Renoir, une histoire qui se passe dans la jeunesse du père de Jean Renoir, l’histoire d’une femme qui travaille dans un bordel riche, d’un bordel bourgeois. En fait, Renoir l’avait écrit en pensant à Jeanne Moreau. C’est en me lançant dans


Sylvain Bourmeau

Journaliste, directeur d'AOC