Cinema

Wang Bing : « La caméra intimide ou effraie souvent »

Journaliste

Documentant avec force et tranchant la société chinoise, des compositeurs de renom aux jeunes gens venus de la campagne travailler dans les milliers d’ateliers de confection d’une ville du Sud-Ouest du pays, Wang Bing s’est imposé comme l’un des plus importants cinéastes contemporains. Il revient sur la prochaine sortie de ses deux dernières œuvres, présentées à Cannes en 2023 : Jeunesse (Le Printemps) et Man in Black.

Le 3 janvier sort en salle Jeunesse (Le Printemps), consacré à la vie des jeunes gens venus de la campagne travailler dans les milliers d’ateliers de confection d’une ville du Sud-Ouest de la Chine. Il n’est pas courant qu’un documentaire chinois de 3h35 figure en compétition officielle du Festival de Cannes, il est sans exemple que Cannes présente durant la même édition un deuxième film du même réalisateur, en l’occurrence Man in Black (qui sera diffusé sur Arte fin janvier, avant une sortie en salles ultérieure). Chacun des deux films est passionnant, par l’ensemble de ce qu’il documente de la réalité et de l’histoire chinoises comme par les manières très différentes de filmer mobilisées par le cinéaste. Ensemble, ils confirment de manière éclatante la place de première importance qu’occupe Wang Bing dans le cinéma contemporain, et même plus largement dans les arts de l’image d’aujourd’hui. JMF

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Comment décririez-vous le lieu où se déroule Jeunesse ?
Le film se passe dans la province du Zhejiang (Sud-Ouest de la Chine, juste au Sud de Shanghai), dans la ville de Huzhou, plus exactement le bourg de Zhili. C’est une région qui traditionnellement produisait des objets en tissu grâce au travail de la soie. A partir des années 1980 et de l’ouverture économique, s’y est développée une autre approche de la production textile, mais toujours fondée sur des petites entreprises familiales. Lorsque j’ai commencé à y filmer, il y avait déjà une histoire de 30 ans de cette nouvelle activité. Le modèle d’organisation du travail à base de petites entreprises est resté le même, mais leur nombre s’est démesurément accru, pour donner ce qu’on voit dans le film, avec ces milliers d’ateliers et de boutiques côte à côte. Ils sont surtout connus pour la fabrication de vêtements pour enfants, qui sont ensuite vendus dans toute la Chine, et également à l’exportation.

Nous avons vu en 2016 un film que vous aviez déjà tourné dans ce contexte, Argent amer.
Argent amer est né de renc


[1] L’œuvre a été présentée en 2017, à la Documenta d’Athènes et de Bâle, puis dans des galeries et des musées, notamment au Bal dans le cadre de la grande exposition « Wang Bing, l’œil qui marche » en 2021, qui a donné lieu à la publication d’un ouvrage très complet, Wang Bing, l’œil qui marche, sous la direction de Diane Dufour, Dominique Païni et Roger Willems (Editions Le Bal, Delpire & Co).

[2] Wang Xilin, considéré comme le plus grand compositeur chinois contemporain, est né en 1936. Soldat de l’Armée populaire de libération pendant la guerre civile, il a pratiqué très jeune de nombreux instruments. Diplômé du Conservatoire de Shanghai, il a été l’auteur de compositions remarquées sur les modèles (symphonies, concertos, sonates…) de la musique classique occidentale, avant d’être violemment attaqué, exclu, banni, battu, emprisonné durant la Révolution culturelle. Il a été réhabilité à la fin des années 1970, et a mené une carrière officielle sans renoncer à une certaine indépendance d’esprit. Il vit désormais en Allemagne.

[3] Le film est consacré à la déportation dans le camp de Jiabiangou (désert de Gobi) au moment de la répression qui a suivi le mouvement des Cent Fleurs à la fin des années 1950, situation également évoquée dans les documentaires Fenming, une femme chinoise et Les Ames mortes de Wang Bing.

[4] Au cours de la Révolution culturelle, les « huit opéras modèles révolutionnaires » ont été promus par Jiang Qing et les autres membres de la Bande des Quatre comme la seule forme de spectacle acceptable. Ils ont également donné lieu à des transpositions filmées, seule forme de cinéma autorisée durant la phase la plus dure de la Révolution culturelle (1966-1976).

Jean-Michel Frodon

Journaliste, Critique de cinéma et professeur associé à Sciences Po

Rayonnages

Cinéma Culture

Notes

[1] L’œuvre a été présentée en 2017, à la Documenta d’Athènes et de Bâle, puis dans des galeries et des musées, notamment au Bal dans le cadre de la grande exposition « Wang Bing, l’œil qui marche » en 2021, qui a donné lieu à la publication d’un ouvrage très complet, Wang Bing, l’œil qui marche, sous la direction de Diane Dufour, Dominique Païni et Roger Willems (Editions Le Bal, Delpire & Co).

[2] Wang Xilin, considéré comme le plus grand compositeur chinois contemporain, est né en 1936. Soldat de l’Armée populaire de libération pendant la guerre civile, il a pratiqué très jeune de nombreux instruments. Diplômé du Conservatoire de Shanghai, il a été l’auteur de compositions remarquées sur les modèles (symphonies, concertos, sonates…) de la musique classique occidentale, avant d’être violemment attaqué, exclu, banni, battu, emprisonné durant la Révolution culturelle. Il a été réhabilité à la fin des années 1970, et a mené une carrière officielle sans renoncer à une certaine indépendance d’esprit. Il vit désormais en Allemagne.

[3] Le film est consacré à la déportation dans le camp de Jiabiangou (désert de Gobi) au moment de la répression qui a suivi le mouvement des Cent Fleurs à la fin des années 1950, situation également évoquée dans les documentaires Fenming, une femme chinoise et Les Ames mortes de Wang Bing.

[4] Au cours de la Révolution culturelle, les « huit opéras modèles révolutionnaires » ont été promus par Jiang Qing et les autres membres de la Bande des Quatre comme la seule forme de spectacle acceptable. Ils ont également donné lieu à des transpositions filmées, seule forme de cinéma autorisée durant la phase la plus dure de la Révolution culturelle (1966-1976).