Mati Diop : « Le cinéma a ce pouvoir et, en ce qui me concerne, ce devoir, de restituer »
Ours d’or au dernier Festival de Berlin, le film de Mati Diop est remarquable à plus d’un titre. Dahomey accompagne non seulement un événement riche de sens, la première restitution importante d’objets d’arts pillés par les forces coloniales françaises, mais de multiples aspects des réflexions suscitées par ces problématiques, les relations entre la France et ses anciennes colonies, les conditions d’exposition des objets concernés, dans un grand musée parisien et en Afrique. Pour ce faire, Dahomey invente une forme singulière, où interagissent documentaire, fantastique et débat réflexif sur les processus en cours. Par ses enjeux tout autant que par son écriture cinématographique originale, le film s’inscrit dans le parcours extrêmement riche d’un questionnement poétique et politique des questions décoloniales menée par la réalisatrice par les moyens du cinéma, dont le court-métrage Atlantiques (2009), le moyen métrage Mille Soleils (2013) et le long-métrage de fiction Atlantique (2019, Grand Prix du Festival de Cannes) ont marqué des étapes. Si la restitution au Bénin des « vingt-six trésors d’Abomey » que conservait le Musée du Quai Branly est, entre autres, une suite directe donnée au considérable travail synthétisé par le rapport Sarr-Savoy de 2018, la cinéaste, par ses choix de mise en scène, en poursuit pour partie, en reconfigure à d’autres titres, les réflexions et les avancées, dans le registre artistique qui lui est propre. Poème et essai autant que document, Dahomey est aussi, ou d’abord, un film vibrant d’émotion, d’admiration pour ce qui circule entre des humains et des œuvres, un film de trouble devant les échos infinis entre visible et invisible, présent et passé, imaginaire et réalité. J.-M.F.

Pouvez-vous décrire le processus qui a mené à la naissance d’un film aussi singulier que Dahomey ?
Pendant le confinement, j’ai beaucoup réfléchi à la dimension politique que j’avais envie de donner à mes films et ce à quoi j’avais envie de consacrer