Poésie

Jean-Michel Espitallier : « La poésie nous paraissait trop sérieuse pour la laisser entre les mains de gens trop sérieux »

Chercheur en littérature et sciences sociales

Le Printemps des Poètes, qui se tient en ce moment comme chaque année, n’est pas le seul signe de vie que nous envoie la poésie contemporaine. Jean-Michel Espitallier, poète lui-même, a publié il y a pile 25 ans une anthologie de « la poésie française d’aujourd’hui » : un événement, qui mit la lumière sur les poètes gravitant autour de la revue Java, et dont le travail porte toujours (Nathalie Quintane, Christophe Tarkos, etc.). Rien de mieux qu’un détour par le quart de siècle qui vient de se dérouler.

Cette année marque la fin du premier quart du XXIe siècle, et donc le vingt-cinquième anniversaire de la publication par Jean-Michel Espitallier, en mars 2000, de son anthologie de poésie française « d’aujourd’hui » –, Pièces détachées. C’est ainsi l’occasion de remettre en perspective le dernier tiers de l’histoire de la poésie en France. L’aventure commence en 1989, lorsqu’il lance Java avec Jacques Sivan, tous deux vite rejoints par Vannina Maestri : Java, ce sera 28 numéros en dix-sept ans, de 1989 à 2006, de plain-pied avec le contemporain. Cette revue de création se distingue d’emblée par son titre, empreint de légèreté : à l’enseigne Java, on n’est pas sérieux quand on a trente ans… Quelques décennies plus tard, même si « l’on ne voit pas grand-chose lorsque l’on a le nez collé au contemporain » comme le dit Espitallier, on cherche encore à savoir à quel aujourd’hui on a à faire. F. T.

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En 1989, en cette fin de siècle où l’on commémore en grande pompe le bicentenaire de la Révolution française, où en est la poésie française ? Est-ce que Java est une carmagnole littéraire ? Autrement dit, la France littéraire s’emmerde-t-elle à ce point qu’il faille la faire danser ? À qui fait-on danser la carmagnole ? D’où vous est venu ce titre ? Quel portrait pourrais-tu esquisser du jeune Jean-Michel ? Quelle ambiance de copains était-ce ? De quels horizons veniez-vous ?
Une carmagnole festive, joueuse, joyeuse, inventive, bordélique. Ce contexte du bicentenaire fait souffler comme un vent de liberté, un rappel des fondamentaux démocratiques. Ce sont aussi les années Gorbatchev et la chute du mur de Berlin. Le point d’orgue de la fête des années Jack Lang. Le bicentenaire c’est un peu le Palace ou les Bains-Douches déballés sur la voie publique. Et sans doute aussi comme l’achèvement des années d’utopie. Depuis alors deux ou trois ans, je collabore activement à la revue Digraphe de Jean Ristat, qui revendique l’héritage de la Révolution, plutôt celle de Saint-Jus


Fabrice Thumerel

Chercheur en littérature et sciences sociales, Critique fondateur de libr-critique.com