Lorraine de Sagazan : « La justice du théâtre repose sur son pouvoir de destitution par la mise en ridicule »
Lorraine de Sagazan est une metteuse en scène qui aime à habiter les ambivalences : pour répondre au réel, elle croit à la fiction ; si elle a foi dans les pouvoirs des théâtres, c’est parce qu’elle en souligne les limites ; et, dans sa bouche, reviennent aussi souvent les verbes « oser » que « se méfier ». C’est en traçant sa voie singulière, alliant audace formelle et prudence méthodologique, qu’elle est devenue une figure incontournable du paysage théâtral français après dix ans de carrière. Se situant au carrefour de la performance, de la mise en scène et des arts visuels, son œuvre vise à former des contre-espaces utopiques et imaginaires pour s’attaquer à des enjeux sociaux et institutionnels, mettant au cœur de son travail la notion de « réparation ».

Dans LEVIATHAN, présenté tout d’abord au Festival d’Avignon l’été dernier avant d’effectuer une grande tournée, avant d’être joué au mois de mai au Théâtre de l’Europe-Odéon, elle s’est immergée dans la comparution immédiate, une procédure particulièrement répressive et discriminante où l’auteur présumé d’une infraction est jugé à sa sortie de garde à vue. Publique et durant en moyenne moins de trente minutes, elle est de loin la procédure pénale de jugement contradictoire la plus utilisée en France, alors que nous devrions en interroger la validité. Le spectacle nous interpelle alors : il nous rappelle qu’en tant que citoyens et citoyennes, nous sommes tous et toutes concerné·e·s. Y.S.
NDLR : En parallèle des représentations de Léviathan, Lorraine de Sagazan, la Ligue des droits de l’Homme et l’Odéon proposent une semaine d’événements pour sensibiliser au fonctionnement du système pénal contemporain et aux droits élémentaires : conférences, performances, accompagnement à une comparution immédiate au Tribunal de Paris. Plus d’informations ici.
Quand nous nous sommes rencontrées au moment où vous veniez de vous installer à Rome, dans le cadre de votre résidence à la Villa Médicis, vous comptiez aborder