Cinéma

Yves Jeuland : « Quand j’étais en Ukraine, je ne cessais de penser à Alain Cavalier »

Critique

Durant cinq jours étalés sur cinq ans, Yves Jeuland a filmé son compagnonnage avec Alain Cavalier. L’occasion pour le documentariste qui a filmé Georges Frêche et Volodymyr Zelensky de « filmer le filmeur » en plongeant au cœur de son appartement-atelier, véritable musée intime, révélant dès lors toute la sensibilité et la malice du cinéaste nonagénaire.

Entre l’été 2019 et l’hiver 2024, Yves Jeuland a rendu cinq visites à Alain Cavalier, dans le deux-pièces du cinéaste, antre secrète où il élabore et monte ses films. Cinq jours sur cinq ans, pour élaborer Cavalier seul, portrait d’un « filmeur » qui se laisse filmer, tout en partageant des règles du jeu. Ainsi, ce « portrait du portraitiste » peut se voir comme un opus supplémentaire poursuivant la longue aventure filmique, entamée il y a près de trente ans avec La Rencontre (1996), journal d’amour, tout en natures mortes et haïkus visuels. La singularité de Cavalier seul est qu’il nous ouvre les portes et placards d’un musée à la fois imaginaire et concret, dans lequel le cinéaste puise son inspiration : des recueils de poésie à portée de main, des dessins d’insomnies, des sculptures périssables, des feuilles mortes disposées sur les murs comme des bas-reliefs. Sous la caméra d’Yves Jeuland, Alain Cavalier se délecte d’être l’instigateur d’un système poétique et domestique où chaque objet est si parlant et dans lequel on se sent si bien accueilli. Surtout, le film lève un malentendu tenace selon lequel Cavalier serait le cinéaste du repli solipsiste, quand il apparaît, au contraire, avide d’échanges et de réparties. Qui plus est, ce portrait d’un artiste nonagénaire s’est permis le luxe de prendre son temps, pied-de-nez supplémentaire à l’angoisse de la mort, sentiment à la fois omniprésent et constamment déjoué.

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Autre conjonction plus surprenante. On se souvient qu’Alain Cavalier avait joué le président de la République (dans le savoureux Pater en 2011, avec Vincent Lindon en Premier ministre), quand Yves Jeuland a filmé plusieurs figures présidentielles dans ses documentaires : Le Président (sur Georges Frêche en 2010), Un temps de président (sur François Hollande en 2015) et tout récemment Zelensky (coréalisé avec Lisa Vapné et coécrit avec cette dernière et Ariane Chemin), également visible sur Arte.tv. L’occasion donc d’évoquer des échos inattendus


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