Quinn Slobodian : « Le néolibéralisme est un projet continu pour protéger le capitalisme de la démocratie »
Aux yeux de l’historien canadien Quinn Slobodian, la thèse d’une rupture avec le néolibéralisme n’est pas fondée. Pour autant, il se garde bien de sous-estimer la nouveauté représentée par le trumpisme. Son attention se porte en effet sur les mutations internes au néolibéralisme dont le second mandat de Donald Trump est aujourd’hui l’aboutissement.

C’est que pour lui, néolibéral n’est pas le nom d’une doctrine économique fixée dans le marbre et attachée à la libre circulation des facteurs de production. Il y voit plutôt l’expression changeante d’un souci persistant : celui de sanctuariser la rentabilité du capital en la préservant des menaces auxquelles l’exposent les manifestations de la souveraineté populaire.
Ainsi, après la crise de 1929, les néolibéraux se sont surtout alarmés de l’essor des totalitarismes. Le nazisme, et bien davantage encore le communisme. Puis, dans les premières décennies d’après-guerre, leur inquiétude s’est déplacée vers le « socialisme rampant » qu’ils associaient aussi bien au compromis social keynésien qu’à la décolonisation du Sud global. Pour autant, les penseurs néolibéraux que Quinn Slobodian décrit dans son livre Les Globalistes n’ont pas plaidé pour le retour au laisser-faire d’avant 1914. Ils ont plutôt milité pour un redéploiement du pouvoir d’État et des règles du droit international destiné à prémunir les mécanismes du marché contre les demandes d’égalité susceptibles de les compromettre.
Jusqu’à la fin de la guerre froide, les intellectuels dont Quinn Slobodian étudie la trajectoire demeurent relativement confiants dans la possibilité de discipliner les régimes démocratiques, convaincus que la démocratie, même dûment corsetée, est incompatible avec l’épanouissement de la liberté telle qu’ils la conçoivent. Les uns, dont Quinn Slobodian relate les aventures dans Le Capitalisme de l’apocalypse, gagent l’avenir dont ils rêvent sur la multiplication de zones franches. Celles-ci sont tantôt constituées en cités-états so
