La douce odeur de la pisse
Посади свинью за стол, она и ноги на стол.
Invite un porc à table, et il juchera ses pieds sur la table.
Proverbe russe
Je me trouvai il y a peu dans un train bondé qui rentrait de province, un voyage pareil au retour du troupeau d’une épuisante séance de traite. Les corps et les murs étaient semblables à un pullulement de cavités grisâtres. Les yeux clos par intermittence, les commissures marquées, les jambes encombrantes défiant les coups de pieds, les passagers subissaient avec une résignation exemplaire la promiscuité de chairs hostiles. Une chape de plomb coiffait le train, boîte compacte séparée du monde, et la pluie battante rendait l’enfermement plaisant, et l’on se consolait tous de vivre un moindre mal.
Comme tant de trains qui rompent l’oisiveté d’un repos dominical, le nôtre avait été programmé en fin de journée, mais pas tout à fait en soirée. Éloignés encore pour un temps court et précieux du tumulte de la ville, les voyageurs accomplissaient les rituels du dimanche soir dans la compagnie réconfortante de leurs semblables. Du coup, ça suintait. Un nez curieux comme le mien s’amusait à décomposer la puanteur en composantes primitives, les sources premières qui dodelinaient et s’entrechoquaient dans une ronde joyeuse. Le pelage canin mal séché : clairement perceptible. La sueur : se tient à l’écart, en vertu de la loi universelle de l’acide qui domine l’âcre et de la supériorité des reflux gastriques sur les sécrétions organiques. Malgré l’apparence d’une guerre des tranchées, tout ce petit monde olfactif s’entendait très bien et ne tenait pas vraiment à se brusquer, laissant émerger ce bouquet singulier qui plane, intraitable, sur tous les voyages en train à l’heure du dîner.
Pressée par une intense envie d’uriner, je dégageai mes jambes de l’amoncellement de sacs et bagages du carré enfant et me dirigeai vers les portes coulissantes qui ne s’écartèrent qu’après un coup de pied assorti d’un juron bref. Je me glissai dans la voiture 7 et suffoquai : l’