Essai littéraire

Avant / après la fin du monde

Philosophe

La fin du monde n’arrive pas. Non qu’il ne faille pas la prendre au sérieux, mais elle prend tout son temps. Voudrait-on savoir une date, un point final, à cette fin ? Mathieu Potte-Bonneville propose justement de « penser à la fin du monde » et fait ici le récit de cette pensée. Où la précision fine de l’auteur rend savoureuse l’intelligence qu’il a d’objets aussi divers que le paradoxe du sorite, le malheur, le graveur Escher, le slash, et jusqu’à l’insomnie. Et où l’on tentera de se dégager de l’alternative du « tôt ou tard ».

Quatre mots de la fin – quatre : pas un de plus.

/1/ Slash. C’est une barre oblique, le segment d’une diagonale qui court d’un point situé en bas à gauche à un autre point, plus haut sur la droite – une barre ascendante, donc, si l’on s’en tient au sens de lecture. Le français l’appelle comme cela, barre oblique, quand l’anglais dispose d’un mot plus bref, sifflé-craché comme un geste, la main qui remonte et le couteau qui brille, slash, mot que le globbish typographique a donc adopté sans oublier tout à fait qu’employé comme verbe, ce même mot sifflant-sonore nomme l’acte dpe fendre, trancher, sabrer – d’un slasher movie, de ses éclaboussures rouges, personne ne sort vivant, ni de la fin du monde d’ailleurs. Le slash n’est pas un nouveau venu parmi les signes ; mais son usage contemporain est cependant récent et la façon dont il s’est invité dans l’ordinaire de nos échanges et de nos textes, jusque dans ce titre curieux sous lequel je m’invite, « avant / après la fin du monde », mérite d’être interrogée. Hegel soutenait que les idées qui gouvernent le monde s’avancent à pas de colombes ; affligé d’une graphie pénible, je serais tenté de penser qu’elles se présentent en pattes de mouche, et qu’à cette aune une époque a la typographie qu’elle mérite.

Me frappe, le fait que la fortune récente du slash se soutient de deux utilisations principales. La première, c’est celle que l’on trouve dans la barre d’adresse de nos navigateurs ou nos systèmes d’exploitation ; la barre oblique vient y figurer ou y exprimer la relation qu’un dossier entretient avec le dossier de rang inférieur, indiquant ainsi le chemin à suivre dans une arborescence. Le slash a, dans ce contexte, une signification à la fois distinctive et hiérarchique – il sépare, relie, distribue. Or, d’un autre côté, dans d’autres contextes, nous recourons au slash pour relier des éléments de même rang, éléments dont nous souhaitons signifier qu’ils sont liés ensemble par une relation de disjonction – mais disjonct


[1] On pourra en voir une reproduction ici.

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Notes

[1] On pourra en voir une reproduction ici.