Toi, moi
Gênes, juillet.
Courir dans une tenue anti-émeute requiert des efforts absurdes.
Et puis, j’ai devant moi un lièvre en vêtements d’été, tee-shirt et bermuda…
Notre père… Notre, notre père… qui es aux cieux…
Et je cours, je lui colle au train, je ne me laisse pas distancer.
Quand je cours, je ne peux m’empêcher de me rappeler que je voulais devenir peintre. Dans mon souvenir, il y a toujours un petit garçon et il y a toujours une tante qui lui demande ce qu’il veut faire plus tard. Ma famille a produit des tantes qui posent des questions stupides et des ratés. Et des ratés de la pire espèce, des ratés de fond, c’est-à-dire conscients de l’être. Prenez mon père, il a commencé dans la floriculture… Lui et un associé, premiers temps difficiles, deux ans de vaches maigres, peu de commandes. Alors l’autre, son associé, lui lance : agrandissons-nous malgré tout, si nous y croyons serrons les dents, investissons le peu que nous avons dans cette entreprise ! Ce soir-là mon père rentre simplement à la maison et annonce à ma mère qu’il a vendu ses parts, qu’il n’y a rien à tirer de la floriculture. Ma mère hausse les épaules, puis pense que pour la troisième fois en l’espace d’un an mon père est au chômage. Elle préfèrerait ne pas être caissière chez un grossiste en viande, rares sont ceux qui ont cet objectif dans la vie. Mais, en entendant mon père, elle hausse les épaules et annonce à son tour qu’elle réclamera de nouveau un temps plein. Voilà, à cette période exacte de ma vie, si l’on m’avait demandé ce que je voulais faire plus tard, j’aurais répondu : être peintre.
Ce qui compte, dans la course, c’est l’obstination. Quand on doit courir une heure, par exemple, les vingt premières minutes sont très longues. Il s’agit de les atteindre, ces vingt premières minutes ; après, tout paraît beaucoup plus simple. Mais pas ces épouvantables vingt premières minutes. C’est comme recommencer à zéro, à chaque fois vous devez comprendre à quel point vous pouvez vous obstiner : car à d