Ensemencement
À l’occasion de la fête littéraire Dayi
Xi’an, le 14 octobre 2017
L’histoire du monde précède ou accompagne l’histoire littéraire. Par un effet difficile à comprendre, l’histoire littéraire parfois semble prophétique, en inventant une sensibilité qui ne verra le jour que longtemps après son écriture. Ainsi, l’on peut voir dans le long voyage d’Ulysse sur la « mer vineuse » la préfiguration de la quête philosophique de la Grèce classique, et la rencontre qui réunira peu à peu les peuples de l’Europe méditerranéenne. De la même façon, dans la Chine confucianiste apparaît le nécessaire humanisme qui sera le ferment de cette grande civilisation, et le substrat de sa littérature poétique – particulièrement à l’époque de Du Fu, Wang Wei et surtout Li Bai. La littérature est un des éléments essentiels à cet humanisme, et c’est pourquoi, malgré son archaïsme – quoi de plus archaïque que le livre de papier et l’écriture ? –, elle survit à toutes les métamorphoses de la modernité.
On a affirmé non sans outrecuidance que l’échange entre les cultures appartient à l’ère de la mondialisation – notre ère contemporaine. Cette même vanité a donné des dates à la naissance de cette ère. Pour les uns, elle est contemporaine des grandes conquêtes – la Grèce au temps d’Alexandre, l’invasion mongole au temps de Gengis Khan – ou au temps des grands voyages d’exploration – Marco Polo en Chine, Christophe Colomb en Amérique, ou Cook en Océanie. Certes ces dates marquent des instants importants dans la rencontre entre les peuples séparés par les déserts ou les océans. Mais les rencontres avaient déjà eu lieu, grâce aux œuvres d’art et à la littérature. La mondialisation ne fut pas seulement un choc économique (parfois désastreux, comme dans le cas de l’invasion des Amériques par les conquérants espagnols et portugais, ou la conquête de l’Afrique par la France, l’Angleterre et l’Allemagne), elle fut surtout un melting-pot culturel et esthétique, qui modifia profondément la conscience unive