impostures – rapt, raptus, ravissement
I
J’ai déménagé dans le wagon-restaurant
là où les tabourets rotatifs font face aux vitres
comme dans les diners en Amérique
il y a de la campagne derrière qui est blanche
je n’ai été en Amérique que pour ses diners
j’ai vu tous les diners en Amérique
il n’y a pas de vaches ni de moutons
ils sont tous morts au combat
il y a un peu de soleil qu’il n’y a pas ailleurs
dans la voiture 5
il y a de l’alcool à boire dans la voiture
la voiture 5 qui en fait est la voiture 4, au centre de la rame
et il y a de la place
il n’y a personne d’autre que nous deux
l’employée du wagon-restaurant et moi
et bientôt des clients : il sera midi dans trois minutes
ils auront faim leur panse émettra une longue plainte
ils achèteront des menus de chefs étoilés
car la bonne nourriture rend vraiment heureux :
mon ami Thomas F. me l’a écrit un jour
dans un SMS.
—
Mon ami Thomas mange souvent au restaurant
tous les midis, me semble-t-il
j’espère que mon ami Thomas est vraiment heureux
voilà longtemps que je ne l’ai pas vu
je me demande s’il se nourrit bien.
–
Il y a un lac derrière la vitre, l’employée du wagon dit : « c’est le Rhône »
j’aime beaucoup les lacs, le Rhône est un fleuve
je suis une fille impressionnable
elle a pointé son doigt en direction de – je ne sais pas, dehors
j’ai regardé : un paysan – on dit agriculteur – a entamé un feu dans son champ
je pense malgré moi qu’il incinère peut-être sa famille
chien, veau, femme, vache, enfants, cochon, couvée :
il y a des précédents
comme Jean-Claude Romans, dans la même région.
—
J’ai rêvé que j’écrivais un livre sur un paysan que n’était pas
Jean-Claude Romans
et je n’étais pas non plus Emmanuel Carrère
mais il brûlait néanmoins sa famille
dans une forêt de cyprès et de séquoias.
—
Je me demande si mon ami Thomas rêve de faire brûler sa famille.
—
Je viens du Poitou-Charentes et ce n’est pas un endroit où l’on brûle sa famille.
—
Dans le rêve la fumée des cyprès était bleue
et ils ressemblaient à de petits pins parasols.
—
Je mens : dan