Vies écrites
Robert Louis Stevenson
parmi les criminels
Peut-être parce qu’il mourut prématurément ou parce qu’il était constamment malade, peut-être à cause de ses voyages exotiques qui à l’époque passaient pour héroïques, ou bien parce qu’on le lit dès l’enfance, toujours est-il que la figure de Robert Louis Stevenson a toujours quelque chose de chevaleresque et d’une angélique pureté, au point d’être même lassante si l’on force un peu le trait.
Bien sûr que Stevenson était chevaleresque, mais sans outrance, disons qu’il l’était dans la mesure : il n’y a pas d’authentique chevalier qui ne se soit comporté comme un goujat au moins une fois dans sa vie. Pour Stevenson, ce fut peut-être dans les environs de Monterey, en Californie, quand, sans le vouloir, il mit le feu à un bois. Un incendie s’était déclaré à un autre endroit et s’étendait si rapidement que Stevenson, mû par une curiosité scientifique, se demanda si la mousse qui orne et recouvre les bois californiens n’en serait pas la cause. Pour le vérifier, il n’eut pas d’autre idée que d’approcher une allumette d’une touffe, mais sans prendre la précaution de l’arracher de l’arbre pour faire son expérience. En un instant l’arbre s’embrasait comme une torche, et Stevenson dut trouver l’essai concluant. Mais le comportement peu chevaleresque vint ensuite : à quelque distance il entendit les cris des hommes qui combattaient le premier feu et comprit qu’il ne lui restait qu’une chose à faire : déguerpir avant d’être découvert. Apparemment, il courut comme jamais et comme seuls courent les sages et les couards.
Il était allé en Californie au secours de celle qui devait devenir son épouse, Fanny van de Grift Osbourne, une Américaine de dix ans son aînée, mariée à un certain Osbourne qui ne lui prêtait aucune attention et n’avait aucun égard pour elle, mère de deux enfants, et qu’il avait connue en Europe quelque temps auparavant. On ne sait en quels termes elle le supplia de venir la voir, et Stevenson, sans en souffler mot à