Les Sables de l’empereur
1
Étoiles déterrées
La mère dit : la vie se fait comme une corde.
Il faut la tresser jusqu’à ce qu’on ne distingue plus les fils des doigts.
Tous les matins se levaient sept soleils sur la plaine d’Inharrime. En ces temps-là, le firmament était bien plus grand et en lui tenaient tous les astres, les vivants et ceux qui sont morts. Nue comme elle avait dormi, notre mère sortait de la maison avec un tamis à la main. Elle allait choisir le meilleur des soleils. Avec le tamis, elle recueillait les six étoiles restantes et les rapportait au village. Elle les enterrait près de la termitière, derrière notre maison. C’était celui-là notre cimetière de créatures célestes. Un jour, en cas de besoin, nous irions là-bas déterrer les étoiles. En raison de ce patrimoine, nous n’étions pas pauvres. Ainsi disait notre mère, Chikazi Makwakwa. Ou simplement mame, dans notre langue maternelle.
Celui qui nous rendait visite connaissait l’autre raison de cette croyance. C’était dans la termitière qu’on enterrait les placentas des nouveau-nés. Sur le nid de termites avait poussé une mafurreira[1]*. À son tronc nous attachions les tissus blancs. Là, nous parlions avec nos morts.
La termitière était néanmoins le contraire d’un cimetière. Gardienne des pluies, en elle habitait notre éternité.
Une fois, le matin déjà tamisé, une botte écrasa le Soleil, ce Soleil que ma mère avait élu. C’était une botte militaire, identique à celle que les Portugais portaient. Cette fois, pourtant, c’était un soldat vanguni* qui l’avait aux pieds. Le soldat était envoyé par l’empereur Ngungunyane[2].
Les empereurs ont faim de la terre et leurs soldats sont des bouches qui dévorent les nations. Cette botte brisa le Soleil en mille éclats. Et le jour devint sombre. Les autres jours aussi. Les sept soleils mouraient sous les bottes des militaires. Notre terre était en train d’être déchiquetée. Sans étoiles pour alimenter nos rêves, nous apprenions à être pauvres. Et nous nous égarions de l’éternité. Sachant