Avant le repos
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Parmi les lieux dans lesquels s’est déroulée et conclue l’existence d’Italia Donati, celui qui m’interpelle le plus fortement et avec le plus d’insistance est Cintolese, son village natal. À un siècle de distance, émue par son histoire, je pars sur ses traces. Je n’ai jamais visité cette région de la Toscane, qui fait partie de la province de Pistoia.
Sur la carte routière, Cintolese est un petit point insignifiant, à deux kilomètres environ de Monsummano, sur la route 436, qui parcourt la val di Nievole. Je m’obstine à imaginer une couronne d’édifices du dix-neuvième siècle encerclant une petite place plantée d’arbres, avec l’église en son centre, quelques vieux commerces d’alimentation destinés au peu de population qui y réside, et, éparses dans la plaine fertile qui s’étend vers le marais de Fucecchio, de rares maisons paysannes habitées par des métayers il y a quarante ans encore, éloignées les unes des autres ainsi que de la route principale, privées de communication, isolées au milieu de rien. Comme si cela ne suffisait pas, je m’entête à cultiver l’illusion que cette vallée, sillonnée sur la carte par les veines bleues des cours d’eau, des torrents, des ruisseaux et des canaux d’assainissement, a été préservée de l’assaut effréné du ciment.
Le premier coup au cœur, c’est Empoli qui me le porte. Malgré mes tentatives pour contourner la ville, je finis par me retrouver sans savoir comment dans la périphérie industrielle, un enfer d’usines, de bruit, de fumée, de poussière, de feux à n’en plus finir, de bataillons compacts d’automobiles ronflantes et fumantes. Il me faut une bonne demi-heure pour m’y frayer un chemin et finir par prendre la route 436, qui, sur la carte, suit paisiblement le marais dans l’antique « vallée des eaux et des nuages ».
C’est une route empruntée par les poids lourds, très fréquentée, où se succèdent des camions en rangs serrés et des agglomérations anonymes dont je ne parviens guère à lire les noms. Et je me demande, perdue : mais