Comme tout le monde
Il paraît que j’ai écrit « Tout ce qui s’ouvre a quelque chose à dire » – me dit au téléphone Cécile le 2 avril 2020, ce serait dans Hyperrêve, précise Cécile, – je remarque : si je date d’aujourd’hui ce modeste énoncé, c’est pour l’épingler à sa place éphémère dans ce temps vain vain qui tombe brutalement en arrière jour après jour, comme un trapéziste qui rate son saut vers le perchoir à peu de chose près –
« Tout ce qui s’ouvre, même une valise, a quelque chose à dire » ajoute Cécile-au-téléphone. Elle pense – ou espère – que j’ai quelque chose à dire sur ce qu’elle appelle l’Événement faute de mieux. Je constate : je n’ai pas de valise (je suis partie si vite, j’ai levé le camp en deux heures, deux chats, deux sacs, sans pensée, sans écriture, sans exemple)
(longtemps ou peu après, quand la pensée est sortie précautionneusement de son silence, elle a vu se dérouler en silhouettes animées sur le fond crépusculaire de la mémoire l’ancestrale et magique scène de l’exode, un des contes de fées qu’Omi ma grand-mère allemande me racontait quand j’avais quatre ans dans les années 40, tout le monde partait sac au dos avant le terme et je me faisais du souci pour les chats)
Revenons à la valise :
Je suis autodévalisée. Rien à dire qui puisse atteindre l’endurance de l’écriture. Rien où l’écriture puisse poser son tapis le temps de tisser une phrase. Rien où.
Et l’expérience salutairement humiliante : maintenant, tout écrit perd son éclat, sa valeur, sa raison surtout, le jour même de son émission. Pensée ? Périmée. Les compléments et adverbes de temps en prennent un coup. Il n’y a que « maintenant » qui tienne. Parce que c’est un indicateur de l’énonciation, dit ma fille. Toutes les conditions nécessaires et naturelles à la, même rapide, cristallisation, ou maturation d’une page, d’une réflexion : momentanéisées, pulvérisées.
Ça ne veut pas dire que je n’écris pas, la machine écrivante est en mode instinctif, mais rien à dire, c’est seulement comme si je me mouchais,