Dans le potage
« […] ce n’est pas avec des idées qu’on fait des vers,
c’est avec des mots. »
Stéphane Mallarmé
On ne fait pas toujours ce que l’on ne veut pas. Au moment où chacun, se rendant à l’évidence qu’il convenait de se conformer aux injonctions gouvernementales d’un confinement peut-être puis probablement puis certainement durable, me retrouvant donc dans la situation de devoir rester chez moi, je fus presque immédiatement envahi par un de ces sentiments d’excitation que l’on ressent au commencement des grandes aventures, sentiment d’excitation bientôt doublé d’une impression de vide intérieur nourri par d’insolites interrogations sur le devenir de ma vie, intrigant paradoxe puisque ce confinement semblait désormais en réduire les écarts de routes, imprévus, mauvaises rencontres, heureux hasards. Pour me distraire de ce manque (assez distrayant) de distraction, je cherchais une idée qui eût pu mettre fin à cette espèce de vacuité dont la fonction première semblait justement consister à ne pas me permettre d’en avoir (j’allais écrire : « à me permettre de ne pas en avoir »). Or, les idées ne viennent jamais seules. Je cherchais donc quelque moyen de provoquer la naissance d’une ou deux idées qui, par effet de mitoyenneté, comme au jeu de domino, me conduiraient peut-être vers une idée plus robuste, apte à combler le petit vide dont j’ai parlé. L’absence d’idée est en soi une bonne idée pour peu qu’on s’y intéresse, mais cette idée assez banale ne m’avait pas même effleuré l’esprit. N’ayant pas d’idée, parce que manifestement mon cerveau n’avait pas l’idée d’en chercher, je commençais à désespérer de jamais retrouver la faculté que nous avons à peu près tous de formuler des idées dans le secret de notre tête quand, un soir, me vint l’envie (non l’idée) de me noyer dans une tâche capable de chasser les pensées mollassonnes qui grippaient mes idées et m’agrippaient la tête. Déverrouiller une paralysie. Le fait de s’investir dans un travail sans intérêt, et même sans queue ni