Qu’aucun espace ne soit dédié
Les astres sont des palais où s’abritent les fauves les plus étranges. Dans un premier temps, j’y ai cherché refuge. J’ai composé le numéro d’un type qu’on m’avait recommandé. Il était voyant m’avait-on dit, mais pas que, et je n’ai jamais su ce que « pas que » signifiait vraiment. Au bout du téléphone, une voix sombre qui donnait rendez-vous. J’ai songé aux gitans des livres et des peintures saisissant les mains bourgeoises pour y lire l’avenir, Esmeralada les seins lourds. Se contraindre à produire ne mène pas à l’abondance, me répétait le type en boucle, on se trompe, claironnait-il, on se fourvoie. On arrive par hasard dans des endroits dont on n’a pas idée et par hasard donc j’étais là, dans ce bureau austère où sur l’un des murs se trouvait une reproduction du Baiser et je n’arrivais pas à me souvenir du nom du peintre, ça ne me revenait pas et le type devant moi continuait à me lire les cartes. Tout cela n’annonçait rien de bon. Jusqu’au moment où il a dit : je vois un jeune homme. Là j’ai pensé aux cieux crevant en éclairs de Rimbaud parce c’était vraiment ça, ça crevait en éclairs à l’intérieur de moi, et j’ai pressé l’homme : quoi d’autre ? vous voyez quoi d’autre ? Le type a plissé ses petits yeux, deux billes disparaissant et il a répondu : quelqu’un de proche mais avec le Diable à ses côtés, vous voyez comme l’Amoureux regarde le Diable ?, et il a pointé la face cornue et rieuse, la porte de la luxure s’ouvre. C’est le danger. Drôle de porte, j’ai pensé, j’aimerais bien qu’une porte comme ça existe. Après, il a fallu payer.
Moi aussi, je le vois.
Je le vois, c’est un très jeune homme, c’est un adolescent. Il a les yeux rougis par les joints, le sourcil fier, la mine esclave de ses atours, par petites grappes ses cheveux bouclés frôlent sa nuque et l’ombragent. La première fois que Sofiane est entré dans ma salle de classe, j’ai tout de suite compris qu’il était maître en son royaume. Il s’est installé au fond, près de Tareq, un grand roux au teint brume