Les herbes s’ouvrent – quatre poèmes
Motto
C’est d’un commun accord que nous maintenons
le silence – je l’ai admis du moins
comme une vérité simple, graduant
aussi évidemment le temps
que les miettes au sol
posées par les repas et l’intrusion
de l’extérieur vent
Les limites du langage… ne sont-elles pas
l’impossibilité de dire en quelques mots
brefs, un processus complexe,
la complétude
de ses parties, des épices, la cuisson, le trouble d’un rouge
qui pourrait être aussi
une brique teignant la pluie qui la baigne
Le bouillon, la vapeur
qui déperd les saisons,
les désoriente, mais plus la phrase s’allonge,
plus elle s’éloigne et plus
la place est vide, moi
inaudible.
Dans la soupente, je suis debout
au coin, et j’avoisine
la pente du plafond. Et debout
face au coin, la matérialité de mon image,
ma taille comblant l’espace
Je suis alors frappée par la mémoire
qu’on pourrait avoir de moi, comme un volume
qui respire, et suis alors frappée de la mémoire
Que j’ai de mes amis, de les savoir
existant grands, en présences accoudées,
longs cheveux circulant
pour permettre nos échanges
Damville
Les herbes s’ouvrent
sur deux points de fuite
angle dont le vert se courbe en s’avançant
et dont le bistre plat s’applique à plisser
la surface de l’eau
Vent et courant polarisent
l’image, affilent
l’indice de froid subi – si on pouvait parler
de profondeur ressentie
du paysage ?
L’eau tire comme un crochet
bûches et plages herbeuses – et je voudrais
exposer ma rétine au fleuve-pellicule
qui, à la longue, communiquerait
son défilé à mes envies
encercler
le monde, en fractions
baladées sur fond neutre – une fois saisies,
que reste-t-il ?
découpe tripartite
une ficelle à la main.
L’œil devient
mosaïste du monde
voir là un reflet, l’écho de ceci – là
l’écho d’un son dans un visage
pour donner forme aux liens vibrants du monde
à ce qui se joue
entre les doigts qui tissent et la voix du conteur
Rue du Jura
Faire au-delà du dire
Par-delà nous tranchons
Un trou d’imprécision laissé comme
un appel d’air : je me décide,