Permafrost
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On est bien, ici. Finalement. C’est comme ça, les hauteurs : cent mètres de verre à la verticale. L’air, ici, c’est de l’air à un état supérieur de pureté et c’est pour ça, aussi, qu’il paraît plus dur, presque compact par moments. Il plane comme une odeur de quincaillerie. La couche de bruit pèse comme de la suie et demeure en attente, là, en bas, comme un œil de pétrole très fin, croquant, une sorte de cadeau noir et brillant. Pas un oiseau ne passe. C’est qu’ils ont eux aussi leur propre strate, entre nous et, disons, nos dieux. Un vide habitable entre les lignes les plus hautes de la portée. À cet instant, je suis et je ne suis pas. Je ne fais peut-être que me montrer, me manifester, comme une macule discrètement gênante sur une lunette, une ombre intempestive dans cette zone chill-out. Je prends l’air, je l’oblige à devenir ma propriété le long de mes conduits animés. Vivante, je dégage encore une certaine chaleur et je dois être très ramollie, au-dedans. Au-dehors, je le suis plus qu’il n’y paraît, presque un produit de pâtisserie, un objet en cire tiède verni, attrayant comme une première ligne. Chaque cellule se reproduit, indépendamment de moi, et en même temps me reproduit, me change en une entité en bonne et due forme. Si elles cessaient de travailler, toutes ces parties microscopiques de moi-même, ne serait-ce que quelques secondes… Les entités indivisibles ont aussi droit à une pause, comme moi, comme tous les génies du pays. Travai...
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