Mémorandum pour « La Ricotta »
La Ricotta est le quatrième épisode du film à sketches RoGoPaG sorti en février 1963 et produit par Alfredo Bini — les trois autres étant Illibatezza de Roberto Rosselini, Le Nouveau Monde de Jean-Luc Godard et Il pollo ruspante de Ugo Gregoretti. Dès le 1er mars 1963, le moyen-métrage de 40 minutes de Pasolini est mis sous séquestre par la censure italienne pour « outrage à la religion d’État ». En réponse aux chefs d’accusation, Pasolini rédige un mémorandum en 21 points qui servira à sa défense : c’est le document reproduit ici.
Le 7 mars, la sentence tombe : Pasolini est condamné à 4 mois de réclusion avec sursis. À la fin de l’année, le film des quatre réalisateurs — rebaptisé alors Laviamoci il cervello (« Lavons-nous le cerveau ») — peut ressortir au prix de coupes et modifications imposées à La Ricotta. Le 6 mai 1964 la Cour d’appel acquitte Pasolini et juge qu’il n’y a pas délit. Mais le 24 février 1967 la Cour de cassation annule ce jugement tout en déclarant l’extinction du délit par amnistie.
Un réalisateur (interprété par Orson Welles) tourne un film sur la Passion du Christ, sous la forme, notamment, de tableaux vivants reproduisant les Dépositions des peintres maniéristes Rosso Fiorentino et Pontormo. Entre les prises, Stracci, engagé pour jouer le bon larron, traîne sa faim après avoir donné à sa famille misérable le panier-repas distribué par l’équipe du tournage : la ricotta est celle qu’il finit par pouvoir se payer et dont il se goinfre jusqu’à mourir d’indigestion, sur la croix. « Pauvre Stracci ! Crever ! Il n’avait pas d’autre moyen pour nous rappeler que lui aussi était vivant », dira le réalisateur en constatant sa mort. AOC
1) Le cri « La couronne, la couronne » est le premier signe avant-coureur de la superficialité incrédule, sceptique, plébéienne, du monde qui entoure Stracci et qui sera témoin de son martyre. Toutefois, le ton dédaigneux, ou peu respectueux, ne s’adresse pas tant, ici, à la « couronne » qu’au déroulement caractéristiq