Hiver
1.
Dieu était mort : ça commençait bien.
Le chevaleresque était mort, aussi. La chevalerie était morte. La poésie, le roman, la peinture, tout ça, c’était mort, et l’art était mort. Le théâtre et le cinéma étaient morts, l’un comme l’autre. La littérature était morte. Le livre était mort. Le modernisme, le post-modernisme, le réalisme et le surréalisme, tout ça c’était mort. Le jazz était mort, la musique pop, le disco, le rap, la musique classique, morts. La culture était morte. La bienséance, la société, les valeurs familiales étaient mortes. Le passé était mort. L’Histoire était morte. L’État providence était mort. La politique était morte. La démocratie était morte. Le communisme, le fascisme, le néolibéralisme, le capitalisme, c’était mort, le marxisme, mort, et le féminisme, mort, lui aussi. Le politiquement correct, mort. Le racisme était mort. La religion était morte. La pensée était morte. L’espoir était mort. La vérité et la fiction étaient mortes, l’une comme l’autre. Les médias étaient morts. Internet était mort. Twitter, instagram, facebook, google : morts.
L’amour était mort.
La mort était morte.
Tant de morts.
Pourtant, certaines choses n’étaient pas mortes, en tout cas, pas encore.
La vie n’était pas encore morte. La révolution n’était pas morte. L’égalité raciale n’était pas morte. La haine n’était pas morte.
Mais l’ordinateur ? Mort. La télévision ? Morte. La radio ? Morte. Les portables étaient morts. Les piles étaient mortes. Le mariage était mort, la vie sexuelle était morte, la conversation, morte. Les feuilles, mortes. Les fleurs, mortes, dans leur eau.
Imaginez être hanté par le fantôme de toutes ces morts. Imaginez être hanté par le fantôme d’une fleur. Ou plutôt, imaginez être hanté (si tant est qu’être hanté, ça ait une réalité au-delà de la névrose ou de la psychose) par le fantôme (si tant est qu’existe une chose telle que les fantômes, au-delà de l’imaginaire) d’une fleur.
Les fantômes n’étaient pas vraiment morts, ce n’était pas ça. Si