Ô pays de richesses
J’ai gagné
Je suis enfin inscrite
On m’a offert un nom sur une carte d’identité
Et un numéro pour ma vie
Alors, vive le 678, du 5e arrondissement de Téhéran
Maintenant mon esprit est en paix
Nourri au sein de la mère patrie
Au lait d’un glorieux passé
Bercé de civilisation et de grande culture
Au son du hochet de la loi
Ô
Maintenant mon esprit est en paix
Je suis si heureuse
Que je suis allée à la fenêtre
Pour inspirer avec joie 678 fois
Une épaisse poussière, un air saturé de poubelle et d’urine
Et j’ai signé
678 factures
678 demandes d’emplois
Forough Farrokhzâd
Et c’est un privilège de vivre dans le pays des poèmes, des roses et du rossignol
Surtout quand ton existence
Après des années et des années, est enfin reconnue
Un pays où
Mon premier regard officiel
Découvre derrière les rideaux
678 poètes faussaires
Au milieu de l’étrange assemblée des mendiants
Cherchant la métrique et les rimes dans les ordures
Et au son de mon premier pas officiel
678 rossignols secrets
Se changent soudain avec joie en 678 vieux corbeaux
Qui s’échappent, indolents, de noirs marécages
Et volent vers la lisière du jour
Alors ma première bouffée d’air officielle
Se charge de l’odeur de 678 roses en plastique rouge
Sortant des grandes usines Plasco[1]
Oui, c’est un privilège de vivre
Au pays natal du cheikh Abou-le-Clown opiomane et joueur de kamantché[2]
Le cheikh ey del ey del tonbak tabâré tanbouri[3]
Vivre dans la ville où des stars aux cuisses, fesses, et seins lourds, s’étalent
En couverture des magazines et dans les œuvres d’art
Vivre dans le berceau de la philosophie du « qu’est-ce que tu veux que j’y fasse »
Pays des jeux olympiques de l’intelligence
Dès que tu touches un petit écran
Tu entends klaxonner un enfant prodige, un génie
Et quand les élites intellectuelles
Se présentent au peuple qui s’instruit
Elles tiennent dans leurs bras
678 barbecues électriques[4]
Et portent à chaque poignet
678 montres Navzer[5]
Elles savent que peu importe les études, seuls les riches son