De la liberté
Introduction
Arrêtez-vous si vous voulez parler de liberté
Je voulais écrire un livre sur la liberté. Je voulais écrire ce livre depuis que le sujet avait surgi inopinément dans un autre ouvrage que j’avais consacré à l’art et à la cruauté. J’avais entrepris d’écrire sur la cruauté, et j’avais été surprise de voir la liberté se frayer un chemin puis faire brèche dans la cellule étouffante de la cruauté. Épuisée par la cruauté, je me suis alors tournée vers la liberté. J’ai commencé par “Qu’est-ce que la liberté ?” de Hannah Arendt, avant d’amasser mes piles.
Mais j’ai vite bifurqué, et j’ai écrit un livre sur le care*, le soin, le souci de l’autre. Certains ont pensé que ce livre-ci avait également trait à la liberté. C’était rassurant en un sens, parce que ça me semblait, à moi aussi, être le cas. Puis j’ai songé qu’un livre sur la liberté n’avait peut-être plus de raison d’être – ni moi ni personne d’autre n’était tenu d’en écrire un. Existe-t-il mot plus galvaudé, imprécis, belliqueux ? “Avant je m’intéressais à la liberté, mais maintenant, je m’intéresse surtout à l’amour”, m’a confié une amie[1]. “La liberté ressemble à un message codé, un mot vicié et creux pour dire guerre, une exportation commerciale, le genre de chose qu’un patriarche pourrait ‘donner’ ou ‘reprendre’ ”, m’a écrit une autre[2]. “C’est un mot de Blancs”, m’a dit une troisième.
Souvent, j’étais d’accord : pourquoi ne pas se pencher sur une valeur moins contestée, mais tout aussi opportune et pertinente, comme l’obligation, l’entraide, la coexistence, la résilience, le développement durable, ou ce que Manolo Callahan appelle “la convivialité insurrectionnelle”[3]? Pourquoi ne pas accepter que la longue et glorieuse carrière de la liberté touche à sa fin, que notre obsession continuelle à son égard reflète une pulsion de mort ? “Ta liberté me tue !” proclamaient les pancartes des manifestants pendant la pandémie ; “Ta santé n’est pas plus importante que ma liberté !” s’égosillaient en retour le