La maison en pain d’épices
Le Charme de l’Affinité
1
— Une envie me tenaille, déclara Bix, qui s’étirait les épaules et le dos à côté du lit, un rituel du soir avant de se coucher. Celle de parler, tout simplement.
Lizzie croisa son regard au-dessus des boucles sombres de Gregory, leur dernier-né, en train de téter.
— Je t’écoute, murmura-t-elle. Il prit une profonde inspiration.
— C’est… je ne sais pas. Compliqué.
Lizzie se redressa. Bix se rendit compte qu’il l’avait inquiétée. Délogé, Gregory brailla :
— Mama ! J’arrive pas à l’attraper.
Il venait d’avoir trois ans.
— Il faut sevrer ce gamin, marmonna Bix.
— Non, protesta vivement Gregory, lançant un coup d’œil réprobateur à Bix. Je veux pas.
Lizzie céda aux tiraillements de son fils, se rallongea. Bix se demanda si le benjamin de leurs quatre enfants ne risquait pas, avec la complicité de Lizzie, de proroger sa petite enfance jusqu’à l’âge adulte. Il s’étendit à côté d’eux et, angoissé, regarda sa femme au fond des yeux.
— Qu’est-ce qui ne va pas, mon amour ?
— Rien, mentit-il.
Le problème était trop omniprésent, trop informe pour être expliqué. Il le chassa avec une vérité :
— Je n’arrête pas de penser à la 7e Rue Est. À ces conversations.
— Encore, souffla-t-elle.
— Encore.
— Pourquoi ?
Bix n’en savait rien – d’autant qu’il n’avait prêté qu’une oreille distraite 7e Rue Est, alors que Lizzie et ses copines s’interpellaient dans un cumulus de fumée de cannabis, telles des randonneuses désorientées au cœur d’une vallée brumeuse : En quoi l’amour est-il différent de la lubricité ? Le mal existe-t-il ? Bix était à mi-parcours de son doctorat quand Lizzie s’était installée chez lui, et il avait déjà eu ces conversations au lycée et pendant ses deux premières années à l’université de Pennsylvanie. Pour l’heure, il était nostalgique de ce qu’il avait éprouvé en entendant par hasard Lizzie et ses amies depuis son perchoir devant l’ordinateur de SPARCstation, relié par un modem au Viola World Wide Web, la conviction secrète, jubilatoire, que