La vie d’après Williams
aujourd’hui le panache blanc des deux cheminées
de l’usine d’incinération
monte
droit
dans le ciel
c’est rare
il n’y a pas de vent
les mouches au-dessus des poubelles
et les étourneaux autour
du panache
Je me fous des mouches, je les emmerde
moi aussi mais
elles me poursuivent et je ne sais pas comment
les excommunier
elles forment un panache de corps flottants
des étoiles des petits soleils
noirs qui nous minent le crâne à petit feu
soli invicto
le soleil vainqueur dont l’empereur
Julien frappait les étendards de ses légions
lui l’apostat qui campait
aux abords d’Ivry l’hiver 358
qui décrivit ce qu’il vit : « le fleuve charriait comme des dalles de marbre ; vous connaissez, bien sûr la pierre de Phrygie, voilà à quoi ressemblaient les blocs glacés de cette masse blanche, blocs énormes qui s’entrechoquaient et qui n’étaient déjà pas loin d’établir un passage continu »
puis ce fut la débâcle
de grandes inondations et la chute de l’empire
romain
•
il arrive encore que la Seine soit prise par les glaces
– je l’ai vue –
et souvent elle déborde
à chaque fois la crue est inexorable
la décrue prétexte à désolation :
« le désespoir des travailleurs devant le spectacle de ce qui fut leur modeste mobilier est impossible à décrire. Ici, c’est un tas de vaisselle, de verreries, de papiers, de photographies, le tout l’un sur l’autre, recouvert d’une boue jaunâtre et d’une odeur irrespirable »
écrit le chroniqueur anonyme de La Banlieue de Paris
« journal politique littéraire artistique et financier »
en janvier 1910
et la Seine s’était arrêtée de monter
au pied des marches de l’église
après que rue du Liegat
les marchands avaient sauvé d’un rien leurs chevaux
de la noyade
parce qu’on n’était pas au Far West
et que les chevaux d’ici
ne savaient pas
nager
•
avant Williams et moi avant
les mérovingiens
et l’apostat
au temps de La Guerre des Gaules
ces berges
furent un champ de bataille où s’illustrèrent
les cohortes romaines du légat
Titus Labienus
multipliant les ruses
com