Nouvelle

On achève bien les chevaux

Écrivain

Le célèbre roman de McCoy, emblématique de l’anti-rêve américain, paraît originellement en 1935, puis, en France, chez Gallimard (« Blanche »), en 1946, dans la traduction de Marcel Duhamel. Mais en 1953, le maître du roman noir publie « They Shoot Horses, Don’t They? », une première version inédite du roman, dans une anthologie de textes de Hemingway, Chandler, etc., préfacée par Bogart himself. Cette nouvelle n’avait jamais été traduite en français. La voici en primeur de la sortie prochaine du Quarto McCoy dirigé par Benoît Tadié. Traduction par Michael Belano.

C’est bizarre, la façon dont j’ai connu Gloria. Elle aussi essayait de percer dans le cinéma, mais je ne l’ai su que plus tard. Un jour que je marchais dans Melrose Avenue en revenant des studios Paramount, j’ai entendu quelqu’un brailler dans mon dos, « Hé ! Hé ! », alors je me suis retourné, et c’était elle qui accourait dans ma direction en me faisant de grands signes. Je me suis arrêté et j’ai agité la main à mon tour. Lorsqu’elle est parvenue à ma hauteur, hors d’haleine et agacée, je me suis rendu compte que je ne la connaissais pas.

— Saloperie de bus ! a-t-elle lâché.

J’ai tourné la tête et remarqué, un demi-bloc plus loin, l’autobus qui descendait vers Western Avenue.

— Oh, ai-je commenté. J’ai cru que c’était à moi que vous faisiez signe…

— Pourquoi est-ce que je vous aurais fait signe ?

J’ai éclaté de rire.

— Je sais pas… Ça m’est déjà arrivé. Vous allez de mon côté ?

— Tant qu’à faire, autant aller à pied vers Western, a-t-elle répondu. Ce bus…

Et on a commencé à marcher en direction de Western Avenue.

C’est comme ça que tout a commencé et, à présent, ça me paraît bien étrange. Je n’y comprends rien du tout. J’ai tourné et tourné et retourné tout ça dans ma tête et je n’y comprends toujours rien. J’essaie de rendre service à quelqu’un, je lui fais une faveur, et en fin de compte, je me fais tuer.

Prenez le matin où j’ai fait la connaissance de Gloria. Je ne me sentais pas très bien ; j’étais encore un peu malade mais j’avais entendu dire qu’ils cherchaient des figurants pour un film russe à la Paramount. Alors, j’y étais allé parce que j’avais besoin de boulot, mais aussi, parce que si j’étais pris, j’espérais bien qu’un metteur en scène me repérerait et me donnerait ma chance. Une chance sur un million sans doute, mais une chance quand même. Il fallait la saisir, un point c’est tout ; peu importe comme vous vous sentez. Je me suis donc rendu à la Paramount. J’ai passé la matinée à traîner là avec les autres jusqu’à ce qu’un des assistants ne vienne nous


Horace McCoy

Écrivain, Scénariste

Rayonnages

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