La Cité de la victoire
C’était une petite pièce qui ne ressemblait à aucune autre pièce du palais, dépourvue de toute décoration, aux murs ordinaires blanchis à la chaux, sans aucun meuble à l’exception d’un socle en bois nu. Une haute fenêtre étroite laissait passer un rai de lumière qui tombait directement sur la jeune femme au-dessous comme un rayon de grâce angélique. Dans ce décor austère, frappée comme par la foudre par la lumière éblouissante, assise en tailleur, les yeux fermés, les bras étendus reposant sur ses genoux, le pouce et l’index de chaque main formant une boucle, les lèvres légèrement entrouvertes, se tenait Pampa Kampana, perdue dans l’extase de l’acte de créer. Elle gardait le silence, pourtant Domingo Nunes eut l’impression quand il fut introduit en sa présence par Bukka Sangama qu’un grand flot de mots s’écoulait d’elle, de ses lèvres entrouvertes, ruisselait le long de son menton et de son cou, de ses bras et se déversait sur le sol, s’échappant d’elle comme une rivière s’échappe de sa source pour se répandre dans le monde. Les chuchotements étaient si doux qu’ils étaient à peine audibles et à un moment Domingo Nunes se dit qu’ils devaient être le fruit de son imagination, qu’il se racontait à lui-même une sorte d’histoire occulte pour donner un sens au spectacle impossible dont il était témoin.
Alors Bukka Sangama lui murmura à l’oreille : « Vous l’entendez, n’est-ce pas ? »
Domingo Nunes hocha la tête.
« Elle est ainsi vingt heures par jour, dit Bukka, puis elle ouvre les yeux, mange un petit peu, boit quelque chose, ferme les yeux et s’allonge pour trois heures de repos. Puis elle se rassoit et recommence.
— Mais que que que fait-elle au juste ? demanda Domingo Nunes.
— Posez-lui la question, dit doucement Bukka. C’est l’heure où elle ouvre les yeux. »
Pampa Kampana ouvrit les yeux et vit le beau jeune homme qui la contemplait, une lueur d’adoration sur le visage et, à cet instant, la question de la demande en mariage de Hukka Raya Ier et peut-être à sa mort du