Comment Lolita m’a sauvé
Nous avons tous des amis de lycée dont, parfois, la curiosité nous prend de savoir ce que la vie a fait d’eux.
Le moteur de recherche se présente alors pour connecter les traces qu’ils ont laissées à travers la toile et renouer un lien d’autant plus artificiel et ténu qu’il s’établit à leur insu. Nous apprenons que le garçon avec qui nous partagions une table lors des cours de biologie est devenu chef dans un grand restaurant à Boston ; que notre amoureuse, lorsque nous avions dix-sept ans, s’est installée à New York où elle brille à Broadway ; qu’une autre élève ses trois enfants dans la banlieue d’El Paso. Nous découvrons les revirements des uns, les métamorphoses des autres, l’inadéquation entre les principes affichés à la fin de l’adolescence et les choix de l’âge adulte ; et s’il nous reste de la rancune, une joie cruelle nous prendra en voyant que celui dont nous pensions qu’il nous surpassait en tout – vous savez : le capitaine de l’équipe de football, le valedictorian qui sortait avec la fille de vos rêves – a trouvé dans le monde une place très en-dessous de celle que notre jalousie lui promettait. Ou bien nous observons avec ironie tous les surfeurs qui juraient de suivre un été sans fin une fois leur diplôme obtenu, désormais entrés dans le rang, salariés dans une quelconque entreprise, oubliant de sourire sur leur portrait professionnel, le filtre gris des jours s’interposant entre leur regard et celui de l’objectif.
Mais au fond, si nous sommes aussi intransigeants avec les autres, c’est parce que nous ne sommes pas très sûr de ce qu’il penserait, l’adolescent que nous portons au fond de nous, avec son regard clair et ses paroles coupantes, l’adolescent que nous étions et dont il se peut que nous aussi, nous ayons démérité de lui. Est-ce qu’une vie réussie consiste à se montrer à la hauteur de ses exigences ? Ou à lutter sur le ring des jours en encaissant les coups de son mieux ?
J’ignorais quel combat Ethan menait sur le sien ; nous étions proches qua